Une
« race » nouvelle
Dans un blog destiné
aux amis du vélo, un copropriétaire s’est plaint d’être houspillé par ses
voisins du fait des traces que laisse sa bicyclette lorsqu’il la monte dans son
appartement par temps de pluie (http://forum.velotaf.com/topic/24789-question-de-droit-sur-les-velo-dans-une-copropriete/).
Sollicitant les
conseils de ses amis, il s’est vu répondre les phrases suivantes par deux des
participants au forum (l’orthographe est conservée) :
« Surtout ne va pas
parler à tes voisins plaignants, ça risque d’envenimer les choses. Les copros
c’est vraiment la pire des races qu’on ait inventé après les militants de 40
millions d’automobilistes »
« J’aurai tendance à dire
que ton cas est relatif, que les probabilités qu’on te foute la paix sont
proportionnelles au nombre de cons au mètre carré »
Pour la seconde
citation, le commentateur devait penser « inversement proportionnelle » (car, selon
lui, plus il y avait de « cons »
au mètre carré, MOINS on « foutait »
la paix aux gens).
Certains pourraient
dire qu’il s’agit de plaisanteries douteuses isolées liées au défoulement
habituel sur internet. Pourtant, ce discours sur la « race » des
copropriétaires n’est ni isolé, ni anodin.
Une
racialisation liée à l’impasse identitaire
L’extrême tension qui
règne dans le monde de la copropriété ne tombe pas du ciel.
Elle résulte d’une
grande violence faite aux acheteurs auxquels on a promis la propriété d’un
bien.
Rapidement, les
copropriétaires assistent impuissants aux désagréments causés par leurs voisins
qui n’ont aucune discipline collective.
À la longue,
l’exaspération est totale, parce qu’il est impossible d’obtenir un changement
de comportement des personnes concernées quand elles ne sont pas motivées et
volontaires.
Utiliser le vélo est
tout à fait méritoire et sain pour l’environnement. Salir les parties communes
pose un tout autre problème. Quand on s’étonne de recevoir des plaintes, voire
quand on monte sur ses grands chevaux, on discrédite l’écologie, ce qui n’est
pas vraiment le but que devrait rechercher tout cycliste responsable.
Comme la réflexion
sur l’action collective est minimale voire absente en France, le discours
identitaire est le seul valable pour caractériser les populations
indisciplinées auxquelles on se heurte. On attaque les gens sur leurs couleurs
de peau, sur leurs origines réelles ou supposées, sur leur religion ou sur leur
classe sociale (les « bobos »…).
Les acteurs sociaux
ne savent plus repérer des bons fonctionnements collectifs et stigmatiser des
mauvais fonctionnements. Ils préfèrent accabler des individus en bloc du fait
de leur identité. Le copropriétaire devient alors une figure négative, à l’image
des catégories de population accusées de tous les maux.
Mensonges
impunis et désastres en copropriété
On rappelle ainsi qu’en
août 2017, un incendie a pris dans une tour de 14 étages au sein de l’ensemble
immobilier de Grigny II (cet ensemble de 17 000 habitants étant l’une des
structures en copropriété les plus grandes d’Europe).
Le journaliste Elie
JULIEN, dans un article paru au Parisien le 10 septembre 2017, http://www.leparisien.fr/essonne-91/grigny-l-un-des-feux-les-plus-violents-du-pays-09-09-2017-7247829.php,
a rappelé l’héroïsme des 100 pompiers qui sont intervenus et la difficulté parfois
de leur tâche face aux caillassages.
Grigny II est
installée juste à côté de la Grande Borne où des policiers ont failli être
brulés vifs…
En outre, Grigny II est
sale, les dettes de charges sont massives, une administration judiciaire a été
mise en place, les détritus jonchent le sol, les parties communes sentent très
mauvais et il y a des trafics…
Pourtant, peut-on
stigmatiser les habitants ? Comment en est-on arrivé là ?
Les langues
commencent à se délier.
Le poids des
marchands de sommeil est constaté (certains filous divisant des appartements
pour les louer dans des conditions indécentes à des familles précaires parfois
étrangères, ce qui accentue les stéréotypes menant aux discriminations quand
ces personnes sont assimilées systématiquement à des populations à problèmes…)
(http://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/essonne/grigny-ce-que-incendie-aout-revele-1327775.html).
Pourquoi les
marchands de sommeil sont-ils si présents ?
Des pratiques de
vente sont en cause. Des packs associant notaires et agents immobiliers ont
attiré des ménages modestes pour leur faire acheter à crédit des logements
coûtant 100 000 euros. Quelques années plus tard, ces logements ne valent
que 30 000 € alors que les charges sont de 400 € par mois (en plus du
crédit à assumer…).
Les prestataires en
profitent pour surfacturer parce que l’ensemble immobilier aura des difficultés
à se défendre du fait des dettes de charges. C’est tellement plus facile de s’en
prendre à des malheureux paralysés par leurs difficultés… On a du mal à jeter
la première pierre aux victimes de ce système…
Tous
dans le même bateau
Où est donc la « pire des races » (formule employée par un expert judiciaire…) dans ces
pratiques ? Certainement pas chez les copropriétaires.
Le défi, désormais,
est de rendre les habitants conscients de la dévalorisation des biens en
copropriété dès le moindre problème.
Cela génère
évidemment un climat de tension extrême au vu des dangers que courent tous les
copropriétaires, qui doivent d’ailleurs être incités à ne plus louer, du fait
de la responsabilité qu’implique le fait d’être résident.
Celui qui salit les
parties communes avec son vélo coûte des milliers d’euros à ses voisins lorsque
ceux-ci voudront vendre, parce que désormais, l’élément central de la
valorisation d’un bien en copropriété ne se situe plus dans le seul lot vendu.
Dès lors, il est normal que les voisins hurlent à la moindre indiscipline et
éprouvent un sentiment de rage profonde quand ils sont désobéis.
En effet, désormais,
ce qui compte, ce n’est pas seulement la qualité de l’appartement. C’est aussi
ce l’acheteur ne pourra pas changer facilement, à savoir les difficultés du
collectif et la capacité à la discipline des habitants.
La présence de
locataires est alors toujours un risque supplémentaire, car le locataire est
moins concerné par la dévalorisation éventuelle des biens.
Voilà pourquoi les
pièges sur lesquels personne n’insiste actuellement (l’existence d’un règlement
de copropriété, la tenue régulière des assemblées générales, les dangers des
délégations de vote, l’importance des assurances, l’existence d’impayés ou de
dégâts des eaux, le traquenard constitué par les unions de syndicats…) sont au cœur
de tous les drames humains qui surviennent ensuite (et Grigny II en est l’exemple).
Le bêtisier de l’acquéreur est nécessaire. Il vise à prévenir les acheteurs naïfs tout en faisant pression sur les
copropriétaires présents. Ces derniers se comporteront mieux lorsqu’ils
comprendront, dans leur propre intérêt, qu’il leur faudra présenter collectivement
un meilleur visage lors des ventes face à des acquéreurs plus avisés.
L’État
complice des dérives racistes
Certains diront que c’est
inutile, car grâce à l’intervention des pouvoirs publics à coups de milliards d’euros,
tout cela sera solutionné.
Aussi, inutile de
rendre les acheteurs intelligents. Il suffit qu’ils continuent de croire en la
magie de l’État et aux conseils intéressés donnés par les notables rétribués
lors des ventes. On a vu où cela a déjà mené des millions de copropriétaires…
Surtout, quand on
apprend à certains ménages la crédulité, la dépendance, l’indiscipline et la
désorganisation en leur faisant croire que l’État va tout le temps tout faire
pour eux, on aggrave la fracture identitaire.
Certaines populations
sont encore plus fragiles, insupportables et répulsives lorsqu’elles s’habituent
à la passivité idiote. Par opposition, les gens instruits insérés dans les
réseaux de pouvoir sont plus souvent disciplinés. Aussi, ils ont tendance à se
replier encore plus sur eux-mêmes en fuyant les gens à problèmes.
La crise spécifique
de la France et son échec encore plus lourd qu’ailleurs dans les banlieues est
lié à cette survalorisation de l’intervention des pouvoirs publics (en sachant
que la Belgique connaît peut-être aussi des difficultés similaires…).
Les gouvernants
évitent de nouer des partenariats avec la société civile, à l’inverse de ce qui
se fait en Allemagne, au Canada, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et aux
Etats-Unis. Le sociologue Thomas KIRSZBAUM l’a montré (http://www.dailymotion.com/video/x2imoym).
Que l’on ne s’y
trompe pas. Ces autres pays ont aussi des banlieues sinistrées du fait de
ventes piégeuses parfois encore plus répandues que chez nous (on pense à
Cleveland dans l’Ohio…).
Par contre, c’est
surtout en France que l’action publique aggrave la situation en donnant trop de
poids à des fonctionnaires et des élus pléthoriques obsédés par l’idée de n’avoir
aucun contrepouvoir face à eux.
Ce que ces multiples
élus et fonctionnaires craignent par-dessus tout, c’est l’émergence de classes
moyennes autonomes en banlieue. Qu’il soit angélisé ou diabolisé, le
banlieusard, et tout particulièrement le « jeune » (c’est-à-dire la personne de couleur
ou issue d’une famille venue de pays musulmans, même si les bureaucrates n’osent
pas le dire ainsi) doit être infantilisé et manipulé.
La
chasse aux « Petits Blancs »
En France, l’ethnicisation
des débats est donc extrême, avec l’habitude d’abrutir certaines populations.
Cela induit le risque
de prendre naturellement pour des ramassis d’imbéciles les groupes
habituellement instrumentalisés.
Qui dit mépris à l’égard
d’une catégorie de population dit facilité à s’abandonner aux stéréotypes
nauséabonds, d’où les discours sur la race lorsque des attaques sont formulées contre
tous ceux qui apparaissent comme les « autres ».
Ce n’est pas lié à un
racisme français spécifique mais bien à une dynamique sociologique basée sur le
mépris de l’action collective et la volonté d’abrutir ceux que l’on souhaite museler
ou exploiter.
Les personnes de
couleur ou d’origine asiatique, ainsi que les descendants de musulmans ou de
juifs ne sont donc pas les seuls visés. Les beaufs et les « Petits Blancs » finissent par
être conspués aussi.
De ce point de vue, les
discours contre les copropriétaires sentent très mauvais… Et quand la haine raciste commence, la lâcheté sexiste n’est jamais
loin…
Le monde de l’avidité
spéculatrice dans l’immobilier est aussi celui du harcèlement moral voire pire…
Comme par hasard ! La domination masculine dans certains milieux du
bâtiment et de l’immobilier est particulièrement pesante.
Voilà pourquoi il est
révoltant et inacceptable de prétendre que les copropriétaires sont la « pire des races ». C’est le
chemin de la barbarie.