Alors que les enjeux de
la rénovation des bâtiments sont importants, des blocages sont prévisibles, car
certains acteurs voudront garder la face dans une perspective contestable.
Un contresens malencontreux
« Les Anglais tous actionnaires, les Allemands tous factionnaires et les
Français tous fonctionnaires », selon l’expression de Pierre LEGENDRE
(lien)…
Dans notre pays, le
primat est trop souvent donné au statut individuel. Cela a des avantages (en
mobilisant les populations autour de la conquête des rentes) mais aussi des
inconvénients lorsqu’il s’agit d’évaluer les performances de chacun.
De ce point de vue,
certains commettent une erreur grossière lorsqu’ils analysent l’efficacité de
la Chine continentale tout en notant son caractère dictatorial. Ils rêvent d’une
tyrannie à la chinoise pour protéger leurs statuts individuels. C’est là
commettre une approximation maladroite, voire un gros contresens.
Dimension collective de la face
Tout le problème est de
savoir ce que protège le système autoritaire chinois : l’orgueil
individuel ou l’implication dans une réussite collective ?
En France, et notamment
en copropriété, de nombreux acteurs refusent de perdre la face, mais
interprètent cela comme la préservation à tout prix de leur prestige
individuel. Le syndic professionnel ou le conseiller syndical qui se trompent s’acharnent
à avoir le dernier mot, même en manifestant la pire mauvaise foi.
En Chine, garder la
face n’est pas qu’une question d’image de l’individu. Il faut aussi conserver l’aura
de son guānxì (关系) (關系
en
caractères traditionnels pour les locuteurs japonais).
Le guānxì est le réseau
interpersonnel dont chacun dispose et qu’il faut conforter tout en évitant d’humilier
le guānxì des
autres. Les personnes sont au cœur du guānxì, mais nul ne
constitue un guānxì à lui tout seul. Or, le guānxì est
un élément central de la face (面, mìan en chinois, men en
japonais), c’est-à-dire le prestige d’une personne.
Provocations irresponsables
Garder la face ne
revient pas à préserver l’image que l’on a de soi, mais plutôt sa capacité à s’insérer
dans un collectif. S’agripper à une image de soi inadaptée à la réalité empire
même l’image que l’on donne.
Aussi, chacun peut
faire une erreur. La façon dont est gérée cette erreur permettra ou non de
conserver la face. Soit on se place dans une dynamique où une amélioration des
performances est crédible, soit on tente de camoufler piteusement les échecs
passés, ce qui montre que l’on n’est pas prêt à les surmonter.
Une entreprise qui a
promis une certaine performance énergétique à l’issue d’une rénovation mais qui
ne parvient pas à l’atteindre ne doit pas faire jouer ses relations parlementaires
pour faire baisser les exigences légales en matière de rénovation des bâtiments
(BATIWEB, « loi
Climat et Résilience : vers des rénovations pas si performantes ? »).
Sinon, loin de conserver la face, cette entreprise la perd.
De la même manière, loin
de garder la face, le conseiller syndical la perd donc quand il gesticule en
tous sens après avoir été pris en flagrant délit de mensonge (un peu comme un
cafard fuyant ceux qui veulent les écraser, voir le « Melon
de la Blatte ».
Reconstruire des garanties
En Occident, il est toutefois
possible de retrouver la face quand on l’a perdue, même si cela réclame des
efforts.
Le copropriétaire
infect qui a demandé un service au conseil syndical puis qui critique ce
dernier sans s’être proposé pour participer au service rendu perd la face. Il
peut la retrouver en rendant à son tour des services, mais il faudra accepter d’être
accueilli avec scepticisme dans un premier temps.
Lors d’une rénovation
immobilière, la tâche est plus complexe encore, puisqu’il faut convaincre les
autres d’investir. Le recours à des associations agréées peut alors sembler
justifié.
Une association non agréée ne peut que moins inspirer confiance, puisqu’elle sera souvent adossée à des prestataires face auxquels le groupe sera désarmé s’il en venait à se plaindre en cas de performances insuffisantes. Les associations agréées, elles, n’ont pas le droit d’être liées à des prestataires professionnels (article R. 811-7 du CCH).
Les copropriétaires ont
d’autant plus besoin d’être intégrés à un collectif durable et reconnu qu’ils
feront face à des prestataires qui, sinon, feront tout pour ne pas perdre la
face, comprise de manière malsaine (prestige statutaire individuel injustifié).