Le 24 juillet 1867, une loi du Second Empire a permis la
création de sociétés à capital variable. Ce fut un facteur essentiel pour le
développement des sociétés coopératives en France, malgré la nocivité du bonapartisme en général.
L’aboutissement
d’une histoire mouvementée
Entre 1789 et 1791, l’Assemblée
nationale constituante a souhaité détruire les corporations qui existaient en France
depuis le Moyen âge.
Le but était de
supprimer toute intermédiaire entre les individus et l’État, afin de renforcer
le pouvoir politique et d’assurer une égalité entre tous les habitants face à
lui. La volonté de supprimer par magie la féodalité et les privilèges
expliquait cette attitude.
Les syndicats et les
regroupements de travailleurs dans le but de gérer leurs propres entreprises
ont donc été interdits. Ce fut l’abominable loi Le Chapelier du 14 juin 1791.
Cette situation était
inique. Les sociétés commerciales n’étaient pas interdites. Elles permettaient
aux capitalistes de se rassembler alors même que les travailleurs n’avaient pas
la possibilité de le faire.
En 1839, dans son
ouvrage l’Organisation du travail, Louis BLANC (1811-1882) a imaginé la
création d’ateliers sociaux où il n’y aurait pas de patron et où les ouvriers
géreraient ensemble l’entreprise où ils travaillent.
En 1848, des ateliers
nationaux ont été mis en place avec le soutien de la puissance publique pour
employer des chômeurs. Toutefois, les forces conservatrices leur ont reproché d’avoir
été des foyers de contestation lors des émeutes de juin 1848 qui furent
violemment réprimées.
Tous les promoteurs
des associations ouvrières furent donc persécutés. Louis BLANC dut s’enfuir en
Angleterre, tout comme Jeanne DEROIN (1805-1894) un peu plus tard.
Pauline ROLLAND
(1805-1852), qui présida l’Union des associations de travailleurs en 1849 fut
jetée en prison à plusieurs reprises avant d’être déportée en Algérie et de
mourir sur le chemin du retour.
Une
évolution du régime putschiste bonapartiste
Une fois qu’il eut
été solidement installé au pouvoir après l’avoir usurpé le 2 décembre 1851,
Badinguet (alias Napoléon III) a tenté de se réconcilier avec la
population ouvrière, notamment parce qu’il n’avait pas une confiance absolue
dans la bourgeoisie conservatrice, souvent orléaniste, et encore moins en l’ensemble
des grands propriétaires fonciers, fréquemment légitimistes.
Par une loi du 25 mai
1864, le délit de coalition fut aboli. Les associations ouvrières furent
envisageables. La grève était même possible à condition qu’il n’y ait aucune
pression sur les travailleurs.
Le 24 juillet 1867,
dans une loi relative aux sociétés commerciales, le gouvernement a introduit un
article 48 qui permet aux sociétés d’avoir un capital variable.
En fait, il s’agit d’une
clause pouvant être insérée dans les divers statuts des sociétés. Les sociétés
à capital variable ne sont pas des sociétés spécifiques.
Elles ont l’avantage
de permettre l’entrée au capital de travailleurs qui n’ont pas besoin d’acheter
des parts à une valeur élevée. La création d’une nouvelle part qui peut être acquise
à la valeur nominale suffit.
Ensuite, les
travailleurs peuvent quitter la société sans avoir besoin de vendre leur part à
un éventuel acquéreur. La société peut leur rembourser la valeur nominale de la
part qu’ils détiennent et diminuer le capital en conséquence sans formalité.
L’intérêt
du capital variable pour la coopération
Depuis l’ordonnance
n° 2000-92 du 21 septembre 2000, cette possibilité d’avoir un capital variable
est inscrite à l’article L 231-1 du Code de commerce.
Le fait d’avoir un
capital variable permet à une société d’augmenter ou réduire sans capital en
étant dispensée de formalités de dépôt et de publication (article L 231-3 du
Code de commerce). Les actions ou parts sociales sont alors nominatives
(articles L 231-4 du même code)
La société dont le
capital variable doit l’indiquer dans tous les actes qu’elle produit (article L
231-2 du Code de commerce).
Cette possibilité est
particulièrement utile pour les sociétés coopératives.
La loi n° 78-763 du
19 juillet 1978 sur les sociétés coopératives de production (SCOP) prévoit qu’elles
ont un capital variable (article 3).
Les SCOP sont actuellement
appelées plus généralement sociétés coopératives et participatives, même si l’ancienne
dénomination n’est pas prohibée et est toujours mentionnée dans certains textes.
Malgré ses défauts et
la déroute finale qu’il a provoquée en 1870, le Second Empire a donc initié un
processus intéressant.
C’est une leçon
instructive pour aujourd’hui.
Les individus
méprisables, comme les consuméristes amoraux ou les bureaucrates irresponsables,
peuvent, par égoïsme, lancer des démarches qui, finalement, se révéleront
utiles. Pour cela, il faut qu’elles soient prises en mains par des personnes
plus honnêtes, évidemment.
Ainsi, aucune coopérative
n’a été créée par les affairistes nauséabonds qui pullulaient autour du pouvoir
bonapartiste à la dérive…
Pour ceux que le
droit des sociétés coopératives intéresse, il faut lire la revue en ligne Le Droit à la sauce piquante en s'abonnant librement ( (http://goo.gl/forms/GO1o5S4SPl) ).