Dans un ouvrage déjà
un peu ancien, Marie-Pauline DESWARTE, qui fut maître de conférences à Paris
XIII puis professeure de droit public à l’université d’Artois, a expliqué ce qu’était
l’idée républicaine (Essai sur la nature juridique de la
République. Constitution, institution ? L’Harmattan, Paris, 2003, 341
p.).
Marie-Pauline
DESWARTE, dans son livre, fait le bilan d’une conception de la République
aujourd’hui dans l’impasse.
Bien que son analyse
soit intéressante, il convient immédiatement de dire ici que cette auteure a pu
exprimer, par ailleurs, des idées très particulières.
Soutenue par un site
royaliste des plus virulents (http://bit.ly/1bp9VZe),
elle ne cache pas son hostilité à l’avortement, sa sympathie pour Maurras et sa
nostalgie de l’Ancien Régime et de ses principes prétendument chrétiens, et
cela sur un site où intervient également Alain SORAL (http://bit.ly/1zDx6eo).
Lorsque Marie-Pauline
DESWARTE déclare, actuellement, que l’homme
est un être relationnel, on ne peut que l’approuver. C’est d’ailleurs une
formule souvent employée par des tenants du constructionisme social.
Toutefois,
Marie-Pauline DESWARTE en tire comme conclusion le fait que les liens organiques
nés dans le passé passent « dans nos gènes »,
ce qui, cette fois-ci, ferait à juste titre bondir les constructionistes.
Pour cette auteure, le
passé organique est censé être bon, et son oubli, une catastrophe.
Autant on peut
approuver le rejet de l’individualisme des Jacobins, qui ne voulaient aucun
corps intermédiaire entre les citoyens atomisés et l’Etat, autant on ne peut
souscrire à cette vision angélique de l’Ancien Régime.
La tripartition entre
paysans, nobles et clercs ne relevait pas de l’ordre naturel des choses, n’en
déplaise à Marie-Pauline DESWARTE.
Des évêques paillards
et des aristocrates dépravés exploitant des paysans incultes, sur fond de
floraison des trafics esclavagistes et de parasitisme des détenteurs d’offices…
On était loin des valeurs prônées par le Christ.
Ces précisions visent
à éviter une accusation de collusion avec Marie-Pauline DESWARTE. On doit,
néanmoins, admettre que l’analyse de cette dernière paraît pertinente dans son Essai sur la nature juridique de la
République.
En effet, après avoir
noté que la Res Publica, au sens de
chose publique, avait fait l’objet d’un éloge par Cicéron (p. 29), elle
remarque que la Couronne, sous l’Ancien Régime, était une institution (p. 34).
La République s’est construite, en France, contre cette institution (p. 79).
Le but du projet
républicain a été d’effacer les devoirs individuels envers l’institution pour
introduire un devoir collectif visant à supprimer l’exploitation (p. 159).
La recherche des
droits fondamentaux est donc le principe structurant de l’ordre juridique
républicain (p. 297).
Dès lors, être républicain,
cela ne revient plus à savoir comment préserver ce qui appartient à tout le groupe,
ce qui fait la res publica, la chose
commune. Désormais, être républicain, en France, c’est présenter à la société
une liste d’exigences concernant des droits que l’on estime être en position de
réclamer.
On notera que cette
évolution s’est surtout accentuée après 1918. Les notions de sacrifice pour la
nation et de mission civilisatrice de cette dernière étaient très présentes
auparavant (pour le meilleur et pour le pire, notamment dans le bellicisme et
la colonisation…).
Aujourd’hui, être
républicain, c’est donc se permettre de présenter une créance à la société et
pleurnicher lorsque l’on n’est pas satisfait, ce qui relève du consumérisme victimaire. Hélas, et
comme le disait si bien Margaret THATCHER, on ne peut pas, à proprement parler,
dire qu’il existe une société à laquelle on peut demander quelque chose (« there is no such thing
as society »,
http://www.margaretthatcher.org/document/106689).
La société, c’est toujours quelqu’un de précis qui fera
le travail.
Réclamer une chose à la société sans s’intéresser à ce que l’on fera pour elle,
cela revient à exiger le sacrifice de certains
pour pouvoir « jouir sans entraves » de son côté… Cela revient à punir ses alliés et à
créer une fracture avec eux.
On pense à toute
cette Bohème qui, durant des années, a agoni d’injures les forces de l’ordre
avant de manifester en masse quand elle s’est sentie menacée dans sa liberté d’expression,
le tout en applaudissant les CRS.
Tous ces demandeurs
de sécurité s’intéressent-ils pour autant au sort des policiers et des
gendarmes qui les protègent ? S’intéressent-ils au sort des veuves de
policiers et de soldats morts en fonction ?
Cela ne veut pas pour
autant dire qu’il faut condamner le progrès et revenir au bon vieux temps de l’aristocratie
corrompue, car elle aussi faisait reposer sa fortune sur l’exploitation des
serviteurs invisibles du bien commun.
Les indignités commises
par la monarchie absolutiste sont également à la racine de la violence qui a
explosé en France puis en Europe entre 1789 et 1815. Dissimuler ces indignités,
c’est s’en faire le complice.
La solution à l’épuisement
du mythe républicain actuel n’est ni le retour aux dépravations passées, ni le
règne du « pas vu, pas pris » sur fond de jungle exploiteuse. Margaret THATCHER,
lorsqu’elle soutenait des tyrans racistes alors qu’il ne s’agissait plus d’une
nécessité liée à la lutte contre le stalinisme, n’était pas la mieux placée
pour donner des leçons.
C’est plutôt le souci
réel du bien commun que nous devons retrouver.
Cela passe par une
véritable réflexion sur les garanties
nécessaires pour que l’action collective ne camoufle pas une banale
exploitation.
La coopération authentique doit être
prônée. Elle nécessite une vérification
de l’adéquation des actions par rapport aux principes. Cela passe par une rotation de tous aux postes permettant
l’accès à l’information. A son tour, la rotation rend possible une alternance
dans les fonctions et donc un début de réciprocité
des apports des uns et des autres, puisque ce ne sont pas toujours les mêmes
qui font tout.
La diversité des
intérêts et des trajectoires passées fait que la vérification mentionnée plus
haut s’opérera en permettant des regards
croisés sur les actes de chacun. Enfin, il faut éviter que chaque participant
à l’action collective puisse être pris à partie seul. L’intermédiation du groupe et des autorités collectives permet d’éviter
que des individus ne soient harcelés et manipulés. C’est toujours à l’institution
qu’il faut s’adresser et non aux personnes fragilisées par les multiples
relations qu’elles ont nouées et les exigences qu’elles impliquent.
On peut donc prôner
une république plus authentique sans basculer dans un spontanéisme un peu
bohème. La coopération n’est pas condamnée à devenir un slogan vide destiné à
tromper des pigeons et à accabler de demandes infondées des individus
vulnérables car isolés, sur fond de désengagement de l’Etat ou de captation des
deniers publics par des mafias.
On n’est pas non plus
obligé de prôner le retour à l’Ancien Régime sur fond de geignardise
maurassienne et de négationnisme concernant l’esclavagisme.