samedi 2 mai 2015

L’idée républicaine selon Marie Pauline DESWARTE

Dans un ouvrage déjà un peu ancien, Marie-Pauline DESWARTE, qui fut maître de conférences à Paris XIII puis professeure de droit public à l’université d’Artois, a expliqué ce qu’était l’idée républicaine (Essai sur la nature juridique de la République. Constitution, institution ? L’Harmattan, Paris, 2003, 341 p.).




Marie-Pauline DESWARTE, dans son livre, fait le bilan d’une conception de la République aujourd’hui dans l’impasse.

Bien que son analyse soit intéressante, il convient immédiatement de dire ici que cette auteure a pu exprimer, par ailleurs, des idées très particulières.

Après avoir défilé à la Manif pour tous (http://www.lextimes.fr/5.aspx?sr=1208), elle est devenue l’apôtre d’une conception discutable de l’histoire du droit.

Soutenue par un site royaliste des plus virulents (http://bit.ly/1bp9VZe), elle ne cache pas son hostilité à l’avortement, sa sympathie pour Maurras et sa nostalgie de l’Ancien Régime et de ses principes prétendument chrétiens, et cela sur un site où intervient également Alain SORAL (http://bit.ly/1zDx6eo).

Lorsque Marie-Pauline DESWARTE déclare, actuellement, que l’homme est un être relationnel, on ne peut que l’approuver. C’est d’ailleurs une formule souvent employée par des tenants du constructionisme social.

Toutefois, Marie-Pauline DESWARTE en tire comme conclusion le fait que les liens organiques nés dans le passé passent « dans nos gènes », ce qui, cette fois-ci, ferait à juste titre bondir les constructionistes.

Pour cette auteure, le passé organique est censé être bon, et son oubli, une catastrophe.

Autant on peut approuver le rejet de l’individualisme des Jacobins, qui ne voulaient aucun corps intermédiaire entre les citoyens atomisés et l’Etat, autant on ne peut souscrire à cette vision angélique de l’Ancien Régime.

La tripartition entre paysans, nobles et clercs ne relevait pas de l’ordre naturel des choses, n’en déplaise à Marie-Pauline DESWARTE.

Des évêques paillards et des aristocrates dépravés exploitant des paysans incultes, sur fond de floraison des trafics esclavagistes et de parasitisme des détenteurs d’offices… On était loin des valeurs prônées par le Christ.

Ces précisions visent à éviter une accusation de collusion avec Marie-Pauline DESWARTE. On doit, néanmoins, admettre que l’analyse de cette dernière paraît pertinente dans son Essai sur la nature juridique de la République.

En effet, après avoir noté que la Res Publica, au sens de chose publique, avait fait l’objet d’un éloge par Cicéron (p. 29), elle remarque que la Couronne, sous l’Ancien Régime, était une institution (p. 34). La République s’est construite, en France, contre cette institution (p. 79).

Le but du projet républicain a été d’effacer les devoirs individuels envers l’institution pour introduire un devoir collectif visant à supprimer l’exploitation (p. 159).

La recherche des droits fondamentaux est donc le principe structurant de l’ordre juridique républicain (p. 297).

Dès lors, être républicain, cela ne revient plus à savoir comment préserver ce qui appartient à tout le groupe, ce qui fait la res publica, la chose commune. Désormais, être républicain, en France, c’est présenter à la société une liste d’exigences concernant des droits que l’on estime être en position de réclamer.

On notera que cette évolution s’est surtout accentuée après 1918. Les notions de sacrifice pour la nation et de mission civilisatrice de cette dernière étaient très présentes auparavant (pour le meilleur et pour le pire, notamment dans le bellicisme et la colonisation…).

Aujourd’hui, être républicain, c’est donc se permettre de présenter une créance à la société et pleurnicher lorsque l’on n’est pas satisfait, ce qui relève du consumérisme victimaire. Hélas, et comme le disait si bien Margaret THATCHER, on ne peut pas, à proprement parler, dire qu’il existe une société à laquelle on peut demander quelque chose (« there is no such thing as society », http://www.margaretthatcher.org/document/106689).

La société, c’est toujours quelqu’un de précis qui fera le travail. Réclamer une chose à la société sans s’intéresser à ce que l’on fera pour elle, cela revient à exiger le sacrifice de certains pour pouvoir « jouir sans entraves » de son côté… Cela revient à punir ses alliés et à créer une fracture avec eux.

On pense à toute cette Bohème qui, durant des années, a agoni d’injures les forces de l’ordre avant de manifester en masse quand elle s’est sentie menacée dans sa liberté d’expression, le tout en applaudissant les CRS.

Tous ces demandeurs de sécurité s’intéressent-ils pour autant au sort des policiers et des gendarmes qui les protègent ? S’intéressent-ils au sort des veuves de policiers et de soldats morts en fonction ?

Cela ne veut pas pour autant dire qu’il faut condamner le progrès et revenir au bon vieux temps de l’aristocratie corrompue, car elle aussi faisait reposer sa fortune sur l’exploitation des serviteurs invisibles du bien commun.

Les indignités commises par la monarchie absolutiste sont également à la racine de la violence qui a explosé en France puis en Europe entre 1789 et 1815. Dissimuler ces indignités, c’est s’en faire le complice.

La solution à l’épuisement du mythe républicain actuel n’est ni le retour aux dépravations passées, ni le règne du « pas vu, pas pris » sur fond de jungle exploiteuse. Margaret THATCHER, lorsqu’elle soutenait des tyrans racistes alors qu’il ne s’agissait plus d’une nécessité liée à la lutte contre le stalinisme, n’était pas la mieux placée pour donner des leçons.

C’est plutôt le souci réel du bien commun que nous devons retrouver.

Cela passe par une véritable réflexion sur les garanties nécessaires pour que l’action collective ne camoufle pas une banale exploitation.

La coopération authentique doit être prônée. Elle nécessite une vérification de l’adéquation des actions par rapport aux principes. Cela passe par une rotation de tous aux postes permettant l’accès à l’information. A son tour, la rotation rend possible une alternance dans les fonctions et donc un début de réciprocité des apports des uns et des autres, puisque ce ne sont pas toujours les mêmes qui font tout.

La diversité des intérêts et des trajectoires passées fait que la vérification mentionnée plus haut s’opérera en permettant des regards croisés sur les actes de chacun. Enfin, il faut éviter que chaque participant à l’action collective puisse être pris à partie seul. L’intermédiation du groupe et des autorités collectives permet d’éviter que des individus ne soient harcelés et manipulés. C’est toujours à l’institution qu’il faut s’adresser et non aux personnes fragilisées par les multiples relations qu’elles ont nouées et les exigences qu’elles impliquent.

On peut donc prôner une république plus authentique sans basculer dans un spontanéisme un peu bohème. La coopération n’est pas condamnée à devenir un slogan vide destiné à tromper des pigeons et à accabler de demandes infondées des individus vulnérables car isolés, sur fond de désengagement de l’Etat ou de captation des deniers publics par des mafias.


On n’est pas non plus obligé de prôner le retour à l’Ancien Régime sur fond de geignardise maurassienne et de négationnisme concernant l’esclavagisme.