Ce titre de billet fait référence à l’ouvrage
de Mme Ryoko SEKIGUCHI (Ce n’est pas un hasard, POL, 2011, 192
p.) consacré au drame de 2011 au Japon.
Les milliers de morts suite au tsunami ainsi
que la catastrophe nucléaire de Fukushima ne résultent pas que d’un tremblement
de terre. Le fait d’avoir implanté des habitations et des activités humaines à
risques dans des zones vulnérables explique les nombreux décès et les
conséquences graves induites.
Une telle imprévoyance ne se manifeste pas seulement au Japon, d’autant que
ce pays avait fait beaucoup d’efforts au plan du risque sismique suite au
tremblement de terre de Kobe en 1995. Des drames ultérieurs survenus ailleurs
dans le monde indiquent que l’adaptation du bâti aux séismes n’est jamais
facile.
Fort heureusement, les résultats de l’impréparation ne sont pas toujours aussi tragiques,
mais à chaque fois, ceux qui font preuve d’une évidente naïveté s’étonnent d’avoir
couru à l’échec.
Le même phénomène s’observe aussi en matière
de coopération ou d’habitat participatif en copropriété.
On rappelle que la coopération est à la fois un statut
juridique, en cadré par la loi du 10 septembre 1947 et un idéal fondé sur la volonté de donner
aux citoyens le contrôle des structures qui doivent répondre à leurs besoins.
Quant à l’habitat participatif, c’est également un statut juridique encadré par l’article L 200-1 du Code de la
Construction et de l’Habitation qui repose, lui aussi, sur un idéal, à savoir faire participer tous
les habitants aux décisions qui concernent la conception et la gestion de leurs
logements.
Des groupes d’habitants se sont engagé dans de
telles dynamiques.
Certains essaient de combiner habitat
participatif et copropriété.
L’un de ces groupes vient de recevoir une
consécration en obtenant, avec des projets voisins, le label d’éco-quartier. La
ministre du Logement s’est rendue sur place récemment.
A l’inverse, d’autres groupes ont des
difficultés pour obtenir des financements et suscitent le scepticisme.
Quelle
est la différence entre les groupes qui réussissent et ceux qui ont du mal à
convaincre ?
Elle n’est ni dans la composition
sociologique, ni dans l’idéologie, ni dans la méthode. A chaque fois, ce sont
des groupes qui existent en partenariat avec des bailleurs sociaux et qui
combineront habitat social, accession aidée à la copropriété et accession libre,
avec une diversité louable des publics concernés.
La différence réside plutôt dans la conscience plus ou moins grande des
nécessités organisationnelles.
Le groupe qui a réussi a su nouer des alliances en se demandant à
chaque fois comment renforcer ses alliés tout en bénéficiant de leur appui sur
la durée. De la même manière, il a su mettre à distance ceux qui voulaient
avoir une autorité sur les participants sans étayer leurs positions par des références
solides.
Durant des années, cette attitude n’a pas été
dans l’air du temps, parce que le consumérisme était omniprésent.
Les
consuméristes ne se soucient ni des structures qui permettent à leurs alliés de
survivre, ni des références qui permettent à une autorité d’avoir une
légitimité.
De nombreux consuméristes préfèrent isoler
leurs interlocuteurs pour les affaiblir et les contraindre à fournir des
prestations à vil prix. C’est la logique du dumping, reposant sur la
vente à perte. Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin. Nul ne
peut travailler longtemps sans être payé. Les prestataires maltraités et
exploités finissent par disparaître ou par obtenir un monopole qui leur permet
de pressurer à leur tour des clients qui n’ont pas le choix.
Par leur irréflexion, certains groupes ont
donc perdu leurs meilleurs alliés, puisqu’ils les ont mis à sec financièrement,
et se retrouvent face à des intervenants impitoyables qui n’ont pas du tout les
mêmes valeurs, même si, pour la galerie, ces intervenants peuvent prétendre s’intéresser
aux dynamiques participatives.
Le LGOC, qui édite le présent blog, est d’autant
mieux placé pour en parler qu’il a connu de tels phénomènes.
Des
habitants se sont adressés à son président à titre individuel pour obtenir de l’information
juridique gratuite.
Ce
modèle ne peut pas fonctionner. Les groupes qui réussissent évitent d’agir
ainsi.
Quand
on prétend prôner des dynamiques coopératives et participatives, on construit
pour soi-même un accès au droit qui doit être coopératif et participatif.
Pour l’instant, il n’est pas possible de
faire travailler des notaires ou des avocats dans des SCIC (Sociétés
Coopératives d’Intérêt Collectif) où les prestataires et les consommateurs
peuvent participer à égalité à la gestion.
Par contre, et comme l’admettent des
Bâtonniers, des avocats, des notaires, des universitaires, des experts
judiciaires, des administrateurs provisoires, des professionnels de l’immobilier,
des associatifs avisés et des citoyens prudents, il est parfaitement possible de bâtir des structures
coopératives qui fournissent un droit de qualité à destination des groupes
investis dans l’habitat participatif.
C’est même une nécessité pour ceux qui
souhaitent avoir voix au chapitre dans le cadre du débat juridique de haute
qualité en cours sur la modification du droit de la copropriété.
Ces structures coopératives doivent se
constituer autour de ceux qui ont une
légitimité par leur insertion dans le débat juridique scientifique et universitaire
et non autour de groupes de pression sans formation juridique et peur
respectueux des professionnels qui ont travaillé durant des années.
A défaut, l’irruption de personnes qui n’ont
fait aucun effort pour commenter l’abondante jurisprudence et les nombreux travaux
existants sera perçue comme une agression et une marque de mépris à l’égard d’acteurs
ayant fourni un investissement considérable pour s’insérer dans les réseaux d’expertise,
que ce soit en droit ou en gestion immobilière.
Les groupes d’habitants qui réussissent ont
parfaitement compris ces impératifs.
Les groupes qui, pour l’instant, rencontrent
le scepticisme, n’y parviennent pas.
Les associatifs préférant un rapport individualiste
au monde n’acceptent pas ces nécessités non plus. Lorsqu’ils s’acharnent à s’adresser
à des personnes isolées pour obtenir du savoir ou des soutiens, ils restent
dans l’esprit du consumérisme.
Ceux qui ne savent pas s’inscrire dans une
organisation collective pour soutenir leurs alliés s’étonnent alors d’être
marginalisés et en conçoivent une certaine aigreur. Pourtant, ce ne sont pas
des victimes.
Des personnes qui ont les mêmes idées qu’eux
réussissent bien mieux, parce qu’elles ont conscience
des efforts à faire en matière d’organisation pour permettre à leurs alliés de
continuer à exister.
CQFD.
La porte doit néanmoins rester ouverte et le
temps de la construction est venu pour tous ceux qui souhaiteront bâtir un
rapport coopératif à l’accès au droit sans s’engluer dans le consumérisme.
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