lundi 5 décembre 2016

Ce n’est pas un hasard !



Ce titre de billet fait référence à l’ouvrage de Mme Ryoko SEKIGUCHI (Ce n’est pas un hasard, POL, 2011, 192 p.) consacré au drame de 2011 au Japon.

                                             Mme Ryoko SEKIGUCHI, éditions POL


Les milliers de morts suite au tsunami ainsi que la catastrophe nucléaire de Fukushima ne résultent pas que d’un tremblement de terre. Le fait d’avoir implanté des habitations et des activités humaines à risques dans des zones vulnérables explique les nombreux décès et les conséquences graves induites.

Une telle imprévoyance ne se manifeste pas seulement au Japon, d’autant que ce pays avait fait beaucoup d’efforts au plan du risque sismique suite au tremblement de terre de Kobe en 1995. Des drames ultérieurs survenus ailleurs dans le monde indiquent que l’adaptation du bâti aux séismes n’est jamais facile.

Fort heureusement, les résultats de l’impréparation ne sont pas toujours aussi tragiques, mais à chaque fois, ceux qui font preuve d’une évidente naïveté s’étonnent d’avoir couru à l’échec.

Le même phénomène s’observe aussi en matière de coopération ou d’habitat participatif en copropriété.

On rappelle que la coopération est à la fois un statut juridique, en cadré par la loi du 10 septembre 1947 et un idéal fondé sur la volonté de donner aux citoyens le contrôle des structures qui doivent répondre à leurs besoins.

Quant à l’habitat participatif, c’est également un statut juridique encadré par l’article L 200-1 du Code de la Construction et de l’Habitation qui repose, lui aussi, sur un idéal, à savoir faire participer tous les habitants aux décisions qui concernent la conception et la gestion de leurs logements.

Des groupes d’habitants se sont engagé dans de telles dynamiques.

Certains essaient de combiner habitat participatif et copropriété.

L’un de ces groupes vient de recevoir une consécration en obtenant, avec des projets voisins, le label d’éco-quartier. La ministre du Logement s’est rendue sur place récemment.

A l’inverse, d’autres groupes ont des difficultés pour obtenir des financements et suscitent le scepticisme.

Quelle est la différence entre les groupes qui réussissent et ceux qui ont du mal à convaincre ?

Elle n’est ni dans la composition sociologique, ni dans l’idéologie, ni dans la méthode. A chaque fois, ce sont des groupes qui existent en partenariat avec des bailleurs sociaux et qui combineront habitat social, accession aidée à la copropriété et accession libre, avec une diversité louable des publics concernés.

La différence réside plutôt dans la conscience plus ou moins grande des nécessités organisationnelles.

Le groupe qui a réussi a su nouer des alliances en se demandant à chaque fois comment renforcer ses alliés tout en bénéficiant de leur appui sur la durée. De la même manière, il a su mettre à distance ceux qui voulaient avoir une autorité sur les participants sans étayer leurs positions par des références solides.

Durant des années, cette attitude n’a pas été dans l’air du temps, parce que le consumérisme était omniprésent.

Les consuméristes ne se soucient ni des structures qui permettent à leurs alliés de survivre, ni des références qui permettent à une autorité d’avoir une légitimité.

De nombreux consuméristes préfèrent isoler leurs interlocuteurs pour les affaiblir et les contraindre à fournir des prestations à vil prix. C’est la logique du dumping, reposant sur la vente à perte. Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin. Nul ne peut travailler longtemps sans être payé. Les prestataires maltraités et exploités finissent par disparaître ou par obtenir un monopole qui leur permet de pressurer à leur tour des clients qui n’ont pas le choix.

Par leur irréflexion, certains groupes ont donc perdu leurs meilleurs alliés, puisqu’ils les ont mis à sec financièrement, et se retrouvent face à des intervenants impitoyables qui n’ont pas du tout les mêmes valeurs, même si, pour la galerie, ces intervenants peuvent prétendre s’intéresser aux dynamiques participatives.

Le LGOC, qui édite le présent blog, est d’autant mieux placé pour en parler qu’il a connu de tels phénomènes.

Des habitants se sont adressés à son président à titre individuel pour obtenir de l’information juridique gratuite.

Ce modèle ne peut pas fonctionner. Les groupes qui réussissent évitent d’agir ainsi.

Quand on prétend prôner des dynamiques coopératives et participatives, on construit pour soi-même un accès au droit qui doit être coopératif et participatif.

Pour l’instant, il n’est pas possible de faire travailler des notaires ou des avocats dans des SCIC (Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif) où les prestataires et les consommateurs peuvent participer à égalité à la gestion.

Par contre, et comme l’admettent des Bâtonniers, des avocats, des notaires, des universitaires, des experts judiciaires, des administrateurs provisoires, des professionnels de l’immobilier, des associatifs avisés et des citoyens prudents, il est parfaitement possible de bâtir des structures coopératives qui fournissent un droit de qualité à destination des groupes investis dans l’habitat participatif.

C’est même une nécessité pour ceux qui souhaitent avoir voix au chapitre dans le cadre du débat juridique de haute qualité en cours sur la modification du droit de la copropriété.
Ces structures coopératives doivent se constituer autour de ceux qui ont une légitimité par leur insertion dans le débat juridique scientifique et universitaire et non autour de groupes de pression sans formation juridique et peur respectueux des professionnels qui ont travaillé durant des années.

A défaut, l’irruption de personnes qui n’ont fait aucun effort pour commenter l’abondante jurisprudence et les nombreux travaux existants sera perçue comme une agression et une marque de mépris à l’égard d’acteurs ayant fourni un investissement considérable pour s’insérer dans les réseaux d’expertise, que ce soit en droit ou en gestion immobilière.

Les groupes d’habitants qui réussissent ont parfaitement compris ces impératifs.

Les groupes qui, pour l’instant, rencontrent le scepticisme, n’y parviennent pas.

Les associatifs préférant un rapport individualiste au monde n’acceptent pas ces nécessités non plus. Lorsqu’ils s’acharnent à s’adresser à des personnes isolées pour obtenir du savoir ou des soutiens, ils restent dans l’esprit du consumérisme.

Ceux qui ne savent pas s’inscrire dans une organisation collective pour soutenir leurs alliés s’étonnent alors d’être marginalisés et en conçoivent une certaine aigreur. Pourtant, ce ne sont pas des victimes.

Des personnes qui ont les mêmes idées qu’eux réussissent bien mieux, parce qu’elles ont conscience des efforts à faire en matière d’organisation pour permettre à leurs alliés de continuer à exister.

CQFD.

La porte doit néanmoins rester ouverte et le temps de la construction est venu pour tous ceux qui souhaiteront bâtir un rapport coopératif à l’accès au droit sans s’engluer dans le consumérisme.

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