Les événements
récents montrent l’influence délétère d’une très dangereuse approche ethnique
des grands problèmes mondiaux, y compris de la part de personnes qui n’ont rien
à y gagner.
Rien de plus douteux, par exemple, que de diviser le
monde entre Blancs et non Blancs, surtout de la part des premiers. Quand on parle de
responsabilité environnementale, la comparaison des civilisations n’est pas à
l’avantage de certains. Comment convaincre l’Inde et la Chine de faire des
efforts que les nations européennes, le Canada et les Etats-Unis, eux, n’ont
pas souhaité accomplir ? En leur parlant de la supériorité de la
civilisation occidentale ?
Le chauvinisme
ethnique consiste exactement à faire cela, et la réponse risque d’être
rocambolesque. L’Inde et la Chine pourraient aussi avoir une attitude
arrogante, supérieure et méprisante à l’égard de l’Occident. Plus celui-ci est
perçu comme insolent, individualiste, irresponsable, amoral et arriviste, plus
cela encourage les critiques virulentes contre la décadence qu’il
représenterait et la culpabilité qu’il porterait au plan de la pollution.
Ce discours est déjà classique
en Orient. On peut penser qu’il va se renforcer au moment même où la capacité des populations de l’Asie à
agir collectivement au sein de groupes très soudés constitue un atout majeur.
Dans une société de l’information, l’investissement dans
la recherche est essentiel. Le sacrifice individuel que cela implique vis-à-vis
du groupe, est considérable. Des sociétés individualistes où le clivage ethnique est
perpétuellement ressassé ne peuvent susciter le même degré d’abnégation. C’est
bien pour cela que la Chine et l’Inde sont des nations d’ingénieurs qui
pourraient avoir progressivement bien plus d’ascendant dans la quête du savoir
que les tenants les plus obtus de la supériorité occidentale.
Or, la Chine et l’Inde
ne sont plus des nations colonisées et sans outils militaires ou économiques. Elles
disposent de moyens de pression importants sur l’Occident et se feront un
plaisir de les utiliser.
La situation des
Etats occidentaux, et notamment du premier d’entre eux, ressemble donc à celle
des protestants libéraux dans l’univers théologique.
Eux aussi ont choisi
de se fonder sur des clivages ethniques pour faire valoir leurs positions, en
voulant surfer sur la vague identitaire.
Eux aussi ont pris le
risque du discrédit à cette occasion.
A ce sujet, il faut
évoquer le très intéressant article de Liliane
CRÉTÉ intitulé « Un air de ‘‘Déjà vu’’ », paru dans Evangile et liberté, octobre
2008, pp. 4 et 5.
Ce texte, pourtant publié
dans un périodique consacré à la théologie, évoquait la victoire de Barack
OBAMA face à Hillary CLINTON lors des primaires de 2008.
A chaque ligne, on
sentait l’exaspération de l’auteure.
« Les jeux sont faits :
Barack Obama a été choisi comme candidat démocrate aux élections
présidentielles de 2008. Choix populaire ? Peut-être. Mais avec un sérieux
coup de pouce du parti ».
La légitimité du
processus des primaires de 2008 où Hillary CLINTON avait perdu était donc
contestée, et au nom de quoi ? D’une question de couleur de peau…
« L’Amérique
indubitablement voulait du changement. Ou bien une partie des démocrates
préférait un Noir à une femme » (p. 4).
Plus loin, on lit :
« Hillary a eu
progressivement contre elle la majorité des caciques du parti qui ont exercé
une pression énorme pour lui faire abandonner la course au profit d’Obama le
Noir »
(p. 4).
OBAMA, pour Liliane CRÉTÉ était réduit au fait qu’il
était un Noir…
Pas un mot sur les débats très vifs lors des primaires de 2008 sur le rôle de
Hillary CLINTON dans l’establishment ou sur son attitude très problématique en
matière de libre échange ou de refus de l’interventionnisme économique… On
notera que ce sont les questions clés qui ont fait gagner OBAMA dans le
Michigan, en Pennsylvanie et dans le Wisconsin en 2008 et 2012, puis perdre
Hillary CLINTON dans ces Etats en 2016…
Voilà où mène l’obsession
de l’ethnie et de la couleur de peau : cela fait perdre de vue l’essentiel…
OBAMA était plus acceptable pour une certaine Amérique que Hillary CLINTON, et
cela pour des motifs économiques. Cette même Amérique a préféré voter TRUMP ou
le laisser gagner…
Les relents des
propos de Liliane CRÉTÉ étaient d’autant plus problématiques qu’elle est une
spécialiste de l’histoire des anciens Etas confédérés, avec une empathie
visible pour son objet d’étude.
Parlant des années
qui ont suivi la Guerre de Sécession, elle explique que :
« Afin d’évincer de la
politique toutes les personnalités du Sud, des lois iniques frappèrent d’incapacité
les ex-Confédérés tandis que le droit de vote était accordé aux Noirs, presque
tous illettrés »
(p. 4).
Vous avez bien lu… Et
il y a pire :
« Ce fut le temps du Ku
Klux Klan et du Camélia Blanc dont la mission initiale fut d’assurer la
protection des familles blanches contre tout acte de violence de la part des
affranchis et d’empêcher ceux-ci de voter » (p. 4).
Or, pour Liliane CRÉTÉ :
« Le plus tragique dans l’histoire
fut que ce vote accordé trop tôt aux affranchis, ainsi que le pouvoir énorme
qui leur fut donné dans le Sud durant les années tragiques de la
Reconstruction, provoquèrent la peur, la frustration et le ressentiment parmi
les populations et les Noirs devinrent les boucs émissaires des malheurs du Sud » (p. 5).
La vision du monde de
Liliane CRÉTÉ est donc très cohérente.
Le droit de vote a
été accordé aux affranchis trop tôt. Le Ku Klux Klan n’a été fondé que pour
protéger les pauvres familles blanches face aux affranchis accusés de violence et
empêcher les dits affranchis, accusés d’inculture, de disposer de ce droit de
vote. Liliane CRÉTÉ se garde bien d’évoquer le degré de culture et de violence
(y compris entre eux) des petits fermiers sudistes… On rappelle que la Guerre
de Sécession a été provoquée par des massacres d’abolitionnistes opérés par des
Blancs…
Madame CRÉTÉ préfère regretter
que les Noirs n’aient pas été privés du droit de vote, justifiant même l’attitude
de ceux qui les ont éloignés par la violence des isoloirs et qui ne se sont pas
arrêtés là. Ni les meurtres, ni l’exploitation ne sont évoqués dans l’article de
Liliane CRÉTÉ, qui reproche surtout aux défenseurs des Noirs d’avoir empêché
que le droit de vote n’ait pas été donné aux femmes :
« Les radicaux se
montrèrent farouchement opposés au ‘‘suffrage universel’’ et refusèrent de
signer la pétition qu’elles présentèrent au Congrès, affirmant que c’était ‘‘l’heure
du nègre’’ et qu’elles ne devaient pas mêler leurs revendications à celles des
affranchis ».
Quand elle évoque un « air de ‘‘déjà vu’’ », Liliane CRÉTÉ
prétend donc qu’en 2008, c’est un peu à nouveau « ‘‘l’heure du nègre’’ ».
En 2016, elle devrait
être contente. Avec Donald TRUMP, dont des membres du Ku Klux Klan et le parti
nazi américain ont dit beaucoup de bien, « ‘‘l’heure du nègre’’ » est passée.
Comme par hasard, celle du féminisme aussi…
Ceux qui exploitent
les Noirs n’ont pas forcément de scrupules lorsqu’il s’agit d’exploiter les
femmes. Liliane CRÉTÉ, qui a un certain âge, s’en moque peut-être. Ses
disciples, qui mélangent féminisme et clivages de couleurs, auront tout loisir
de réfléchir au monde qu’elles ont puissamment contribué à produire.
Les théologiens qui
font paraître des articles du type de celui de Liliane CRÉTÉ, et qui veulent
donc invoquer une supériorité culturelle des Blancs sur les Noirs, verront
également en quoi leur attitude a pu ou non affecter l’image de l’Occident, y
compris en Asie.
Certains tenants du protestantisme libéral estiment que l'individualiste qui critique les traditions au nom de ses désirs personnels a toujours raison, par rapport aux populations qui s'inscrivent dans des solidarités de groupes. Chacun ses choix. De là à mépriser ceux qui pensent autrement afin de les priver du droit à la parole, il y a de la marge...
Certains tenants du protestantisme libéral estiment que l'individualiste qui critique les traditions au nom de ses désirs personnels a toujours raison, par rapport aux populations qui s'inscrivent dans des solidarités de groupes. Chacun ses choix. De là à mépriser ceux qui pensent autrement afin de les priver du droit à la parole, il y a de la marge...
La Chine et l’Inde n’accepteront pas de partager le sort qui fut celui des affranchis durant les années postérieures à la Guerre de Sécession.