Le
présent blog a fait l’éloge de Jean-Baptiste GODIN et de son Familistère (http://cooperationencopropriete.blogspot.fr/2013/10/jean-baptiste-godin-merci-patron.html).
Jean-Baptiste GODIN
A la
différence des utopistes de la
coopération qui ont tous échoué,
GODIN a insisté sur trois points
indispensables en vue de réussir :
1/
La nécessité de moyens économiques
pour mettre en place une démarche coopérative (d’où la nécessité de pouvoir
attirer les capitaux et de les rémunérer)
2/
Le fait que l’émancipation des
travailleurs passe par des résultats, ce qui implique une performance et
une mission à accomplir et non des créances à réclamer à la société
3/
L’importance du processus éducatif
dans lequel doivent être insérés les participants avant d’accéder au statut de
coopérateurs authentiques
GODIN
admettait l’idée selon laquelle la coopération excluait le rapport de
domination, ce qui impliquait l’égalité
entre ceux qui coopèrent. Toutefois, il n’envisageait pas d’accorder le
statut de coopérateur à ceux qui n’étaient pas en mesure de coopérer.
Par
bien des aspects, GODIN a eu une influence bien plus grande sur le mouvement
des SCOP d’aujourd’hui que les autres penseurs plus idéologiques d’inspiration
chrétienne ou marxiste, qui excluaient de manière bien naïve toute rémunération
du capital et exigeaient l’égalité de tous dans la prise de décision, ce qui
mène au chaos.
Les
sociétés coopératives ouvrières de production régies par les lois 47-1775 du 10
septembre 1947 et 78-763 du 19 juillet 1978 permettent justement de rémunérer les apporteurs de capitaux
tout en concentrant le pouvoir à égalité entre les mains des coopérateurs,
puisque les associés travaillant dans l’entreprise
votant seuls aux assemblées générales selon le principe « un homme, une voix ». Des salariés
non coopérateurs intéressés aux résultats peuvent également exister. Un processus éducatif est donc permis.
Surtout, dans toutes les SCOP, une réserve
impartageable doit être constituée. Cela renforce l’éthique de mission, l’idée selon laquelle il faut servir
l’entreprise et non les individus.
Ainsi,
réalisme économique, souci de la performance et volonté éducative sont combinés
tant chez GODIN que dans les SCOP bien structurées, le tout au service d’une
émancipation réelle, puisque l’égalité
entre coopérateurs évite qu’une élite exploiteuse ne se constitue.
Le
LGOC, auteur de ce blog, insiste sur la réciprocité
des apports entre coopérateurs pour garantir
l’égalité, sur l’importance de la vérification
des actions pour empêcher l’omerta,
et sur la nécessité d’un regard croisé
pour éviter les connivences
favorisant l’opacité. La rotation des
fonctions est également prônée ici pour éviter la séparation entre dirigeants et dirigés et pour former l’ensemble
des participants aux responsabilités au sein des démarches coopératives.
Tout
ceci est parfaitement dans l’esprit de GODIN qui souhaitait un processus éducatif au service d’une
émancipation concrète. Néanmoins, et à l’image des partis communistes qui
ont pu trahir l’idéal communiste, certains apparatchiks de la coopération
combattent ces principes au nom d’une interprétation dogmatique des principes
de l’Alliance Coopérative Internationale.
Sans
Jean-François DRAPERI, GODIN serait encore plus tombé dans l’oubli. Sans la
Confédération Générale des SCOP, les avantages fiscaux de ces sociétés auraient
été détruits par l’Etat. Le monde de sensibilité participative a besoin des institutionnels de la coopération.
Toutefois, le monde de sensibilité participative a également besoin qu’il y ait une forte aspiration à l’autogestion dans la
société, y compris chez des personnes peu formées.
Enfin, pour monter des
démarches coopératives crédibles, une énergie
civique énorme est nécessaire. Certains doivent s’investir non par égoïsme
et dans l’espoir d’une rémunération individuelle mais plutôt dans une logique de mission pour améliorer la
société.
Patrimoine institutionnel, aspiration à
l’autogestion et logique de mission sont donc complémentaires.
Hélas,
chaque courant de l’univers participatif tente, de manière illégitime, à exercer l’hégémonie
sur les autres.
Les habitants
peu expérimentés aspirant à l’autogestion
veulent surtout consommer au meilleur
prix possible et non partager les efforts. C’est pourquoi ils souhaitent
souvent abuser des efforts des citoyens motivés.
Les détenteurs de positions institutionnelles
au sein du mouvement coopératif peuvent être tentés par l’esprit de rente. Au lieu de transmettre la mémoire de la riche
histoire coopérative, ces institutionnels de la coopération risquent de se
replier sur eux-mêmes et de vouloir consolider leurs privilèges en exploitant les citoyens les plus actifs
trompés par des illusions.
Jean-François
DRAPERI, malgré l’intérêt majeur de ses travaux, explique, ainsi, en s’inspirant
d’Henri DESROCHE, que « la
caravane doit croire en son mirage pour se mettre en branle. Si la sociologie
de l’espérance est aussi une sociologie de l’échec, cet échec vaut mieux que
l’absence d’espérance. » (DRAPERI, Godin, p. 90)
Cette
défense de l’utopisme et des grands principes qui ne peuvent être concrétisés
est catastrophique à une époque où tant
de Français qui se sont investis sur des causes importantes, sont désabusés et
ont le sentiment d’avoir été grugés.
Lorsque l’on propose à quelqu’un de s’investir
dans une approche spécifique, il n’en
fera rien si la démarche ne paraît pas crédible. D’ailleurs, mieux vaut qu’il
soit passif plutôt qu’il ait de la rancœur après avoir été manipulé.
GODIN,
dont l’œuvre concrète est tout sauf l’apologie de tromperies ou d’utopies
fumeuses, ne doit pas être pris pour un apôtre des illusions destinées à
camoufler les injustices.