La réunion organisée par l’ARMEC (Association
Rennaise pour la Maîtrise de l’Energie dans les Copropriétés) le 11 décembre 2013 à l’espace conférence de la Chambre des Métiers de
Rennes fut particulièrement intéressante.
Les
intervenants ont pu rappeler les dispositifs d’aide à destination des ménages
aux revenus modestes concernant les travaux d’économie d’énergie en
copropriété.
Toutefois,
ils ont aussi constaté le retard croissant pris en matière de rénovation du
bâti par le parc privé, avec le coût que cela induit au plan environnemental. Prochainement,
les passoires thermiques, qui accentuent
la précarité énergétique, se situeront bien plus souvent dans des copropriétés
et des maisons individuelles que dans l’habitat social.
C’est
un peu le monde à l’envers (l'autorité renversée par les subordonnés), le gekokujō (下剋上). Les Japonais définissaient
ainsi les mouvements qui ont provoqué la dissolution de l’autorité centrale
lors de leur ère féodale (notamment aux XIVème et XVème
siècles).
En France,
les personnes qui sont exclues du parc social sont censées avoir plus de
revenus et moins de besoins. Dans les faits, elles risquent de subir bien plus
de contraintes. L’augmentation inéluctable du prix de l’énergie va rendre indispensable
des réhabilitations pour faire baisser leur consommation, mais ce ne seront pas
les pouvoirs publics qui prendront ces travaux en charge.
Un
regard technocratique sur le monde de l’immobilier consiste à croire qu’il est
possible de faire décider des travaux aux copropriétés en modifiant leur
gouvernance. Grâce à la réduction des exigences au plan des majorités, il
serait facile de faire le bien des copropriétaires malgré eux, mais à leurs
frais, bien entendu.
L’idée
des travaux d’intérêt collectifs
réalisés sur des parties privatives relève de cet état d’esprit. Ces
travaux seront réalisés au frais des copropriétaires concernés, cela sous le
contrôle du syndic, et après décision de l’assemblée générale des
copropriétaires pour le choix du prestataire. Et s’ils sont mal réalisés par des entreprises amies du syndic qui n’auront
pas été soumise à une concurrence réelle, les copropriétaires n’auront que les
yeux pour pleurer, mais se souviendront des sources de leurs malheurs, à
savoir tous ceux qui se contentent de parler d’écologie sans que les résultats ne
soient au rendez-vous.
Un grand pouvoir implique une grande
responsabilité et, corollairement, de grands risques. Les
prestataires qui effectueront des travaux d’intérêt collectif dans des parties
privatives seront soumis à une exigence de perfection. Dans le cas contraire,
qu’ils ne comptent ni sur l’Etat, ni sur la société pour les pardonner. Le
ressentiment occasionné par leur échec sera une source de mobilisation hostile
à l’égard du système actuel, qui n’aura pas forcément les moyens d’y résister.
Le
risque politique induit par la dégradation des copropriétés est déjà
prohibitif. Au final, et pour éviter un effondrement social bien plus coûteux, ce
sont les collectivités qui devront aider les copropriétaires en détresse.
Ceux
qui auront aggravé la situation soit en spéculant sur des lots de copropriété
avant de les vendre, soit en dégageant des profits considérables pour des
travaux causant des mécontentements extrêmes, seront les boucs-émissaires de la
tragédie à venir. Les absents, tout comme ceux qui ont quitté le navire quand
il prenait l’eau, ont toujours tort. Seules
les personnes qui auront partagé l’expérience commune que constitue la lutte
contre les difficultés de rénovation du bâti construiront ensemble un sentiment
d’appartenance.
Au
Japon, l’ère du monde à l’envers a fini par une répression autoritaire
particulièrement bien organisée et qui a visé des personnes bien précises, à
savoir ceux que l’on suspectait de ne pas être soumis à un contrôle collectif stabilisateur.
Le régime qui a ainsi émergé avait ses défauts mais aussi ses avantages au plan
de la mobilisation potentielle de la société et de sa cohésion. Au vu des difficultés actuelles de notre
pays, la tentation d’imiter cet exemple pourrait être forte. Ceux qui jouent
avec le feu devraient s’en souvenir.
Quand
le monde à l’envers fait des ravages, il est logique que l’aspiration à un ordre
collectif grandisse.
L’ARMEC
a montré, lors de sa soirée, qu’elle cherchait à bâtir des consensus en faisant
travailler des conseils syndicaux ensemble sur le long terme avant la prise de
décisions. Une telle attitude permet également une recherche de devis sérieuse
qui ne soit pas laissée aux seuls syndics professionnels. Les plateformes de
devis mises en place récemment par des prestataires innovants donnent de l’espoir
à ce propos. Souhaitons que ce soit
cette sagesse qui prévale !