samedi 14 décembre 2013

L’ARMEC face au monde à l’envers (下剋上) dans l’habitat

La réunion organisée par l’ARMEC (Association Rennaise pour la Maîtrise de l’Energie dans les Copropriétés) le 11 décembre 2013 à l’espace conférence de la Chambre des Métiers de Rennes fut particulièrement intéressante.

Les intervenants ont pu rappeler les dispositifs d’aide à destination des ménages aux revenus modestes concernant les travaux d’économie d’énergie en copropriété.

Toutefois, ils ont aussi constaté le retard croissant pris en matière de rénovation du bâti par le parc privé, avec le coût que cela induit au plan environnemental. Prochainement, les passoires thermiques, qui accentuent la précarité énergétique, se situeront bien plus souvent dans des copropriétés et des maisons individuelles que dans l’habitat social.

C’est un peu le monde à l’envers (l'autorité renversée par les subordonnés), le gekokujō (下剋上). Les Japonais définissaient ainsi les mouvements qui ont provoqué la dissolution de l’autorité centrale lors de leur ère féodale (notamment aux XIVème et XVème siècles).




En France, les personnes qui sont exclues du parc social sont censées avoir plus de revenus et moins de besoins. Dans les faits, elles risquent de subir bien plus de contraintes. L’augmentation inéluctable du prix de l’énergie va rendre indispensable des réhabilitations pour faire baisser leur consommation, mais ce ne seront pas les pouvoirs publics qui prendront ces travaux en charge.

Un regard technocratique sur le monde de l’immobilier consiste à croire qu’il est possible de faire décider des travaux aux copropriétés en modifiant leur gouvernance. Grâce à la réduction des exigences au plan des majorités, il serait facile de faire le bien des copropriétaires malgré eux, mais à leurs frais, bien entendu.

L’idée des travaux d’intérêt collectifs réalisés sur des parties privatives relève de cet état d’esprit. Ces travaux seront réalisés au frais des copropriétaires concernés, cela sous le contrôle du syndic, et après décision de l’assemblée générale des copropriétaires pour le choix du prestataire. Et s’ils sont mal réalisés par des entreprises amies du syndic qui n’auront pas été soumise à une concurrence réelle, les copropriétaires n’auront que les yeux pour pleurer, mais se souviendront des sources de leurs malheurs, à savoir tous ceux qui se contentent de parler d’écologie sans que les résultats ne soient au rendez-vous.

Un grand pouvoir implique une grande responsabilité et, corollairement, de grands risques. Les prestataires qui effectueront des travaux d’intérêt collectif dans des parties privatives seront soumis à une exigence de perfection. Dans le cas contraire, qu’ils ne comptent ni sur l’Etat, ni sur la société pour les pardonner. Le ressentiment occasionné par leur échec sera une source de mobilisation hostile à l’égard du système actuel, qui n’aura pas forcément les moyens d’y résister.

Le risque politique induit par la dégradation des copropriétés est déjà prohibitif. Au final, et pour éviter un effondrement social bien plus coûteux, ce sont les collectivités qui devront aider les copropriétaires en détresse.

Ceux qui auront aggravé la situation soit en spéculant sur des lots de copropriété avant de les vendre, soit en dégageant des profits considérables pour des travaux causant des mécontentements extrêmes, seront les boucs-émissaires de la tragédie à venir. Les absents, tout comme ceux qui ont quitté le navire quand il prenait l’eau, ont toujours tort. Seules les personnes qui auront partagé l’expérience commune que constitue la lutte contre les difficultés de rénovation du bâti construiront ensemble un sentiment d’appartenance.

Au Japon, l’ère du monde à l’envers a fini par une répression autoritaire particulièrement bien organisée et qui a visé des personnes bien précises, à savoir ceux que l’on suspectait de ne pas être soumis à un contrôle collectif stabilisateur. Le régime qui a ainsi émergé avait ses défauts mais aussi ses avantages au plan de la mobilisation potentielle de la société et de sa cohésion. Au vu des difficultés actuelles de notre pays, la tentation d’imiter cet exemple pourrait être forte. Ceux qui jouent avec le feu devraient s’en souvenir.

Quand le monde à l’envers fait des ravages, il est logique que l’aspiration à un ordre collectif grandisse.

L’ARMEC a montré, lors de sa soirée, qu’elle cherchait à bâtir des consensus en faisant travailler des conseils syndicaux ensemble sur le long terme avant la prise de décisions. Une telle attitude permet également une recherche de devis sérieuse qui ne soit pas laissée aux seuls syndics professionnels. Les plateformes de devis mises en place récemment par des prestataires innovants donnent de l’espoir à ce propos. Souhaitons que ce soit cette sagesse qui prévale !