lundi 16 novembre 2015

René GIRARD, anthropologue de la réciprocité

Le présent blog a rendu hommage à René GIRARD qui nous a quittés le 04 novembre 2015 (http://bit.ly/1Pu8MC6).
L’étude de ses idées est d’autant plus urgente qu’en ces temps difficiles, il est impératif de penser l’avenir, tout en s’associant à la douleur des personnes frappées par les événements du 13 novembre 2015.


La dimension mimétique de la grande violence qui a frappé l’Île-de-France apparaît clairement et avait fait l’objet d’avertissements des spécialistes.


La frustration joue un grand rôle chez les soutiens des dynamiques dangereuses.


Pourtant, les recherches de René GIRARD sont trop longtemps restées inutilisées par beaucoup.

On se souvient des reproches virulents que lui ont adressés certains intellectuels qui parlaient d’une « imposture » à son propos (André RÉGNIER, compte-rendu sur Des Choses cachées depuis la fondation du monde, L’Homme et la société, 1979, volume 51, n° 1, p. 256).

Fort heureusement, René GIRARD compte de nombreux amis en France, et notamment l’Association Recherches Mimétiques (http://www.rene-girard.fr/57_p_22133/accueil.html).

Trois reproches étaient fréquemment lancés à René GIRARD.

D’abord, on l’accusait de démesure (au sens où sa théorie était suspectée de prétention). En bref, il donnait l’impression de vouloir avoir réponse à tout.

Ensuite, on lui reprochait un certain dogmatisme, notamment parce qu’il évoquait les Ecritures et qu’il stigmatisait la dimension satanique du désir mimétique. Les personnes jalouses des autres se sentaient visées et accusées d’être des suppôts de Satan…

Enfin, on lui imputait un certain ethnocentrisme, parce qu’il pensait que les solutions pour éviter la nocivité du désir mimétique étaient essentiellement judéo-chrétiennes.

René GIRARD lui-même a reconnu avoir tenu des propos trop intransigeants contre ses opposants.

Cela a pu donner l’impression que sa théorie visait à répondre à toutes les questions que peut se poser le monde intellectuel, ce qui n’était pas le cas (http://bookhaven.stanford.edu/tag/rene-girard/).

Dans le lien ci-dessus, René GIRARD critiquait la dangerosité des modes intellectuelles. En ces temps d’unanimisme de façade, et cela pour la deuxième fois au cours de cette année, son observation est particulièrement opportune. La langue de bois sentimentaliste sert à dissimuler des fautes lourdes.

Aujourd’hui, René GIRARD est un peu plus à la mode lui-même, ce qu’il redoutait avec le sourire.

Maintenant, cela n’empêche pas d’analyser les 3 grandes accusations portées contre lui et évoquées plus haut. Bien qu’elles puissent s’expliquer, elles étaient parfois déplacées de la part de ceux qui les proféraient.

1/ Démesure ou éloge de la distance salutaire ?

René GIRARD n’a jamais prétendu rédiger un traité général de science politique. De la même manière, il n’a pas voulu créer une école de sociologie, d’économie ou de droit.

Constamment, il s’est présenté comme un anthropologue que ses découvertes ont conduit vers le christianisme.

« Ce qui m’a orienté vers la violence, c’est l’espoir de réussir là où l’anthropologie du XIXe siècle avait échoué, dans l’explication de l’origine du religieux, des mythes et des rites. Et tout ceci bien sûr pour aboutir au christianisme » (René GIRARD, Celui par qui le scandale arrive, entretiens avec Maria Stella BARBERI, Desclée de Brouwer, Paris, 2001, p. 193).

En affirmant un fait anthropologique, à savoir le désir de chacun d’avoir ce que désire l’autre, René GIRARD a formulé une règle générale qui s’applique à toute la société.

C’est le propre de l’anthropologie de décrire des faits qui s’appliquent à tout homme. On peut contester une anthropologie, mais on ne peut lui reprocher d’avoir des conséquences générales.

Le vrai problème est que les adversaires de René GIRARD ont aussi adopté une anthropologie, sans le dire, sans en débattre et sans comprendre que leur propre anthropologie cachée était fantaisiste.

Ce n’est donc pas René GIRARD qui a empiété sur le domaine des économistes, des juristes et des sociologues. Ce sont ces derniers qui ont empiété sur l’anthropologie pour dire rigoureusement n’importe quoi.

Prenons l’exemple de Jacques GÉNÉREUX (La Dissociété, Seuil, Paris, 2006, 450 p.).

Cet économiste a parfaitement compris le rapport problématique de nos sociétés au sacrifice. On attend le sacrifice des autres mais on ne souhaite pas se sacrifier soi-même. Au contraire, le nouvel héroïsme consiste à arnaquer son prochain.

« Les héros de mon enfance donnaient leur vie pour les autres. Les héros de mes enfants tuent et dominent les autres pour survivre. » Dès lors, on assiste à « une guerre qui oppose l’individu à la société, oppose chacun à tout ce qui n’est pas lui-même ou son clone, car toute altérité véritable est ressentie comme une menace quand a disparu le sentiment d’appartenance à une communauté plus large que les communautés naturelles de sang et de voisinage » (p. 109).

Que propose Jacques GÉNÉREUX pour sortir de ce dilemme ? Rien, sinon une forme de prêche un peu vain et d’un appel à la générosité qui n’a aucun sens. Et en plus, il en est conscient, car il déclare à la fin de son livre :

« Tout ça pour ça ! Après des années de recherches, un universitaire inflige allègrement des centaines de pages à un lecteur patient et courageux pour lui annoncer, sans rire, que ce qui sauvera l’humanité, ce sont les beaux discours » (p. 443).

Au moins, Jacques GÉNÉREUX reste honnête et garde le sens de l’humour.

René GIRARD, lui, a repéré une dynamique anthropologique qui permet une solution.

Dans l’idéal, la bonne réciprocité est souhaitable. On peut espérer que chacun fasse du bien à autrui parce qu’autrui lui aura fait du bien. Dans les faits, il y a toujours une rupture de l’échange réciproque. Certains font du bien aux autres et sont récompensés par de l’ingratitude. Doit-on basculer dans la loi du Talion et dans un cycle permanent de vengeance ? Œil pour œil, dent pour dent (Exode XXI, 24) ? Faut-il toujours se focaliser sur une stricte réciprocité ? René GIRARD ne le pense pas :

« Quant aux échanges, ils ne doivent pas apparaître pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire réciproques : telle est la loi du vivre-ensemble. L’existence n’est vivable que si la réciprocité n’apparaît pas » (Achever Clausewitz, p. 120)

Les sociétés dites archaïques ont inventé les rites pour retarder ce moment où les comptes sont réglés, et donc reculer l’instant du règlement de comptes.

« Les différences artificielles protégeaient réellement les communautés archaïques, je pense, d’une mauvaise réciprocité toujours précédée et annoncée par l’accélération inquiétante de la bonne réciprocité » (Celui par qui le scandale arrive, p. 32)

Certes, à l’avenir, il est souhaitable de construire des relations harmonieuses entre les hommes, mais dans le passé, ces relations n’ont pas toujours été saines.

Des exploitations ont existé. Par suite, des divergences d’intérêts sont nées.

Un fonctionnaire rentier malveillant ne peut que détester et craindre les serviteurs de l’Etat dévoués qui acceptent de faire des sacrifices.

Si les agents dévoués au service public sont récompensés, il y aura moins de fonds pour les fonctionnaires sans mérite. Les deux groupes ont une profonde divergence d’intérêts. Cette divergence ne doit pas dégénérer en conflit.

Pour cela, il faut créer de la distance. On ne doit pas demander au fonctionnaire qui a failli d’œuvrer pour une politique qui va le pénaliser au vu de son passé. On doit le mettre à distance des missions qui le gêneraient.

Ce mécanisme, René GIRARD l’avait parfaitement compris. C’est pour cela qu’il remarquait le rôle essentiel des différences et l’utilité d’une réponse différée aux attentes des individus. Cela crée une distance salutaire dans les échanges sociaux. Ces derniers ne doivent pas être gouvernés par l’urgence, l’immédiateté et la violence.

« La différence et le diffèrement, c’est tout ce qui permet sinon de détruire, tout au moins de masquer l’indestructible réciprocité, de la retarder en mettant le plus grand intervalle possible entre les moments qui la composent, intervalle de temps et d’espace, dans l’espoir que la réciprocité des échanges passera inaperçue » (Celui par qui le scandale arrive, p. 33).

Une économiste comme Elinor OSTROM a parfaitement démontré comment on peut organiser l’action collective pour respecter cet impératif et éviter la virulence des conflits d’intérêts.

Créer des groupes bien distincts au sein desquels personne n’arnaque l’autre, c’est le meilleur moyen d’éviter la violence. Ces groupes peuvent alors avoir des rapports harmonieux entre eux, y compris lorsqu’ils ont des intérêts différents. Toutefois, il ne doit exister aucune confusion forcée entre les groupes sur fond d’échanges mensongers et de désir mimétique.

On notera qu’Elinor OSTROM a travaillé à l’Université de l’Indiana dans les années 1970, université où René GIRARD a obtenu un doctorat en 1950…

2/ Dogmatisme ou théologie inachevée ?

Le second reproche fait à René GIRARD a bien plus nui à sa réputation, surtout dans le contexte français de durcissement laïc.

D’ailleurs, l’accusation en question explique les réticences des milieux universitaires hexagonaux à son égard.

Suite à ses trouvailles anthropologiques, René GIRARD a remarqué l’intérêt des textes bibliques pour lutter contre le désir mimétique et la violence qu’il suscite.

Soyons francs, René GIRARD est devenu un chrétien fervent et n’a pas manqué de l’affirmer dans ses livres.

Plus grave encore, il a décrit le désir mimétique comme un phénomène diabolique.

D’abord, il analysa le terme biblique de scandale (en grec, σκανδαλον, skandalon).

Le scandale, c’est la pierre d’achoppement, ce qui fait chuter, ce qui incite à commettre un péché. Or, le désir mimétique est un scandale car, en voulant ce que possède l’autre, on est conduit vers le péché, et notamment l’envie.

« Le skandalon, c’est le désir lui-même, toujours plus obsédé par les obstacles qu’il suscite, et les multipliant autour de lui. Il faut donc que ce soit le contraire de l’amour au sens chrétien » (Des Choses cachées depuis la fondation du monde, p. 439)

Dès lors, René GIRARD dénonça, dans toute communauté dysfonctionnelle, « la chasse aux boucs émissaires, le principe satanique sur lequel repose non seulement cette communauté, mais toutes les communautés humaines » (René GIRARD, La Route antique des hommes pervers, Grasset, Paris, 1985, p. 184).

Reprenant les enseignements de la théologie médiévale, René GIRARD rappela que Satan s’opposant à la création, il représente une absence d’être, un refus de l’ordre voulu par Dieu (Celui par qui le scandale arrive, p. 92).

Cela ressemble furieusement à une excommunication à l’encontre des opposants à la théorie mimétique, à l’image de ce qu’a dit le Pape François contre les mafieux, qu’il a excommuniés.


Toutefois, on remarque que le Pape, lui-même, insiste beaucoup plus sur la réinsertion que sur la rétorsion.

Pour le Pape, c’est le mafieux impuni qui est excommunié. Le mafieux qui a été mis en prison peut, quant à lui, rencontrer Dieu.

René GIRARD, qui refusait la réciprocité de rétorsion (c’est-à-dire la loi du Talion), partageait cette approche.

D’ailleurs, il ne prétendait pas que le fait d’être chrétien immunise contre le désir mimétique. Au contraire, le christianisme peut aussi être interprété au profit d’une vision sacrificielle qui n’est pas neutre. Celui qui se sacrifie peut avoir l’intention de se créer un pouvoir sur la société tout en se détachant de la communauté pour mieux la dominer.

« Loin d’être exclusivement chrétien, et de constituer le sommet de l’ ‘‘altruisme’’, face à un ‘‘égoïsme’’ qui sacrifie l’autre de gaieté de cœur, le se sacrifier pourrait camoufler, dans bien des cas, derrière un alibi ‘‘chrétien’’, des formes d’esclavage suscitées par le désir mimétique. Il y a aussi un ‘‘masochisme’’ du se sacrifier, et il en dit plus long sur lui-même qu’il n’en a conscience et qu’il ne le souhaite ; il pourrait bien dissimuler le cas échéant un désir de se sacraliser et de se diviniser toujours situé, visiblement, dans le prolongement direct de la vieille illusion sacrificielle » (Des Choses cachées depuis la fondation du monde, pp. 259-260).

L’actualité montre qu’il y a, en effet, beaucoup à dire sur la politique qui a consisté à demander des sacrifices à certaines populations.

En appelant à des sacrifices, on transforme les victimes de ces sacrifices en sacrificateurs, c’est-à-dire des personnes qui font des sacrifices. Celui qui fait des sacrifices gagne un pouvoir sacré, ainsi que la faculté de dire qui est pur et qui est impur. Si le sacrificateur manque de mesure, la dangerosité de cette délimitation radicale peut être catastrophique.

René GIRARD admettait donc que l’on peut avoir une lecture problématique de certains passages de la Bible. L’Epitre aux Hébreux peut être perçu comme validant l’idée du sacrifice de l’autre (Des Choses cachées depuis la fondation du monde, p. 254).

Néanmoins, René GIRARD présenta son attachement au christianisme de manière très ferme.

Certes, il a permis une lecture anthropologique des Ecritures, ce qui a initié un renouveau du christianisme fondé sur une approche rationnelle. De plus, il a fustigé l’impunité et le relativisme.

Dans le même temps, ses phrases ont pu être perçues comme des prophéties ou des anathèmes pas très œcuméniques. Aussi, il appartiendra à ses disciples d’élaborer une théologie systématique qui puisse montrer que tous les chrétiens peuvent être contaminés par le désir mimétique, alors que les non chrétiens peuvent y échapper, y compris grâce à d’autres cultures.

3/ Ethnocentrisme ou approximation ?

René GIRARD avait une vision assez sombre de la situation mondiale actuelle.

En effet, pour lui :

« La civilisation européenne est la première culture qui s’adresse à la terre entière » (Achever Clausewitz, p. 298).

Dans le même temps, l’Occident a oublié ses valeurs depuis le XIXe siècle. Cela date de la montée du concept de guerre totale, avec Clausewitz lors des guerres napoléoniennes.

« C’est la fin de l’Europe qu’annonce Clausewitz. Nous le voyons annoncer Hitler, Staline et la suite de tout cela, qui n’est plus rien, qui est la non-pensée américaine dans l’Occident. Nous sommes aujourd’hui vraiment devant le néant. Sur le plan politique, sur le plan littéraire, sur tous les plans. Vous allez voir, cela se réalise peu à peu » (Achever Clausewitz, p. 195).

Dans ce cadre, aux yeux de René GIRARD, il n’y avait rien à attendre d’une émulation intellectuelle avec la Chine :

« Il s’agit en fait d’une lutte entre deux capitalismes qui vont se ressembler de plus en plus. A la différence près que les Chinois, qui ont une vieille culture militaire, ont théorisé depuis trois mille ans le fait qu’il faut utiliser la force de l’adversaire pour mieux la retourner. Les Chinois subissent donc moins l’attraction du modèle occidental, qu’ils ne l’imitent pour triompher de lui. Leur politique est peut-être d’autant plus redoutable, qu’elle connaît et maîtrise le mimétisme » (Achever Clausewitz, p. 91).

Quant au Japon, c’est le pays du mimétisme par excellence.

Les geishas, les marionnettes du Kabuki et l’empereur son des boucs émissaires qui servent à souder la communauté (Des Choses cachées depuis la fondation du monde, p. 156, citant YAMAGUCHI Masao, « La structure mythico-théâtrale de la royauté japonaise », Esprit, février 1973, pp. 315-342).

René GIRARD n’était ni un spécialiste de la Chine, ni un connaisseur de la langue et de la civilisation japonaises.

Désormais, il appartiendra aux tenants de la théorie du désir mimétique d’étudier avec plus d’attention ces deux civilisations.

Ainsi, ils pourront y découvrir des pistes anciennes et plus intéressantes encore que la Bible pour combattre la fracture sacrificielle.

Le lecteur doit, ainsi, être renvoyé aux travaux de Robert ENO, issu de l’université de l’Indiana, comme Elinor OSTROM et René GIRARD. Robert ENO a étudié le mohisme, c’est-à-dire la pensée de Mò Zǐ () (vers 479 av. JC à vers 392 av. JC).

Mò Zǐ était un lettré du royaume de Lu (dans l’actuelle péninsule du Shandong en Chine).

Même l’hebdomadaire France catholique (n° 3149, 23 janvier 2009, pp. 22 à 24) s’est intéressé à sa pensée, en espérant que le regain d’intérêt qu’elle suscite facilitera le dialogue entre les cultures.

En effet, Mò Zǐ était favorable à l’amour universel (voir http://ctext.org/mozi pour le traité qui lui est attribué).

De la même manière, il s’inquiétait de la violence et de la rapacité à l’égard de celui qui est hors du groupe. Ce qu’il décrivait comme un danger, c’était clairement le désir mimétique. L’envie était perçue comme conduisant au chaos des pulsions individuelles, au règne de la violence et à la persécution des boucs-émissaires.

Pour mettre fin à ce désir mimétique, la règle que Mò Zǐ préconisait était le principe de l’identification au supérieur.

Cela ne devait pas reposer sur une fiction ou un mensonge. Le supérieur ne devait pas jouir de privilèges en faisant semblant de vivre comme le peuple.

Le supérieur ne pouvait gagner la confiance du peuple que s’il vivait dans strictement les mêmes conditions que lui. Le supérieur devait partager le sort de ceux auxquels il donnait des ordres. C’est exactement la solution que suggérait René GIRARD en se basant sur l’imitation de Jésus Christ.

Mò Zǐ proposait donc une lutte permanente contre les privilèges.

De la même manière, il refusait que l’on demande à certains de se sacrifier pour assurer l’impunité de ceux qui ont failli.

Selon sa célèbre formule, pas de récompense pour l’injuste (不義不富).

Et surtout, pas de proximité pour l’injuste (不義不).

Celui qui n’a pas su ou pas pu être juste avec les autres ne devait donc pas être puni et éliminé dans une spirale de violence incessante.

Avant tout, il devait être mis à distance pour éviter que les injustices et les sacrifices ne recommencent.

Ainsi, on pouvait construire un ordre social meilleur sans pour autant porter atteinte à l’amour universel.


C’est exactement ce sur quoi insistait René GIRARD. La Chine et le Japon peuvent donc aussi trouver des solutions fortes contre le désir mimétique. Le devoir des tenants des recherches mimétiques est désormais de le démontrer plus précisément.

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