mardi 23 mars 2021

LA Recherche, y-a-P(L)UCA ?

 

L’association LGOC, qui gère le présent blog, n’a jamais caché ses réserves face au PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture), une officine technocratique cogérée par le ministère de l’environnement et celui du logement. En fait, le problème se situe moins au niveau des personnes que des méthodes.

 

Abus de langage, y-a-P(L)UCA ?


En ces temps de pandémie, les colloques et les conférences se raréfient. Les webinaires n'en sont que plus importants. Dans ce cadre, le PUCA et l’association QualiSR ont pratiqué un intéressant échange de bons procédés.

L’association QualiSR a organisé, le 22 octobre 2020, un webinaire pour « endiguer la mondée de la fragilisation des copropriétés » et a invité le PUCA à s’y exprimer, tandis que le PUCA a organisé, le 06 novembre 2020, un webinaire pour « Comprendre les copropriétés pour mieux les rénover » et a invité l’un des dirigeants de QualiSR à s’y exprimer, même s’il a été un peu bousculé en raison du manque de temps.

Monsieur Jose de JUAN MATEO, directeur délégué de PROCIVIS et l’un des dirigeants de QualiSR (actuellement présidée par Olivier SAFAR, vice-président de l’UNIS) a été interrompu lorsqu’il a évoqué la différence entre « copropriétés dégradées » et « copropriétés fragiles », Madame Eva SIMON, coordinatrice des programmes au PUCA, ayant répliqué « Côté recherche, on n’est pas très à l’aise » avec cette distinction (voir le replay vers 1 h 48’ 30’’).

Eva SIMON préfère le concept de « copropriété populaire » vanté par la remarquable sociologue Marie-Pierre LEFEUVRE, membre de son jury de thèse, par la jeune doctorante Flavia LEONE et par divers intervenants non juristes.

PROCIVIS, un groupe qui a fait la preuve de sa compétence en matière de redressement des syndicats des copropriétaires, s’est donc fait corriger en public à mauvais escient par des spécialistes des sciences humaines qui ne connaissent pas forcément la terminologie juridique.

En effet, la copropriété est un régime, pas un groupe social ou même un immeuble bâti (comme le disait Pierre CAPOULADE, principal rédacteur de la loi du 10 juillet 1965, que cet abus de langage énervait souverainement, voir « La copropriété sous contrôle », Administrer, n° 478, juillet 2014, pp. 5 à 18).

Parler de « copropriété populaire » est donc un abus de langage grossier sans doute résultante d’une forme d’entre-soi.

 

Entre-soi, y-a-P(L)UCA ?


Il n’est pas surprenant qu’au plan terminologique, l’association QualiSR produise un discours mieux élaboré que celui du PUCA.

L’association QualiSR, fondée à l’initiative de l’ANAH et des pouvoirs publics, réunit autour d’elle la FNAIM, l’UNIS, PROCIVIS, l’UNARC, l’USH, la Fondation Abbé Pierre, la CLCV et des opérateurs comme SOLIHA. Le but est de faire émerger une certification pour les syndics devant redresser des syndicats de copropriétaires connaissant des difficultés.

Un référentiel a été établi en mars 2018 et a été validé par la COFRAC. Nous avons loué dans un livre publié cette démarche, en donnant la parole notamment à SGS, le groupe qui pratique les audits pour certifier les syndics (Syndics. La Prévention des différends, pp. 26 et 359). Le référentiel est d’autant plus intéressant qu’il a été construit de manière pluraliste, l’UNARC, la CLCV, la FNAIM et l’UNIS n’ayant pas les mêmes avis sur tout, et ce ça, ce n’est rien de le dire (pour paraphraser Mickey3D).

Le PUCA, quant à lui, a lancé seul dans son coin un appel à projet de recherche sur la « transition juridique en copropriété » pour réfléchir à l’encouragement des travaux d’économie d’énergie dans les immeubles (« Vers une transition juridique ? », Informations Rapides de la Copropriété n° 614, déc. 2015, pp. 6 à 8).

Eva SIMON, polytechnicienne, docteure en sciences politiques (Marie-Pierre LEFEUVRE ayant été rapportrice au sein de son jury de thèse, lien), est devenue responsable du projet relatif à la transition juridique, où l’équipe conduite par Marie-Pierre LEVEUVRE a été retenue…

Marie-Pierre LEFEUVRE est une excellente sociologue avec laquelle l’association LGOC a eu l’honneur de travailler. C’est la spécialiste incontestée de la sociologie des immeubles en copropriété difficiles (La Copropriété en difficulté : faillite d’une structure de confiance, Editions de l’Aube, 186 p., 1999).


 

Quant à la thèse d’Eva SIMON, elle était impressionnante.

Le fait de retenir ces deux chercheuses pour réfléchir sur les difficultés en copropriété était donc particulièrement opportun. C’est le mode de fonctionnement du PUCA qui est problématique. Il conduit à dévaloriser les travaux instructifs, en glissant vers la propagande sans que personne ne puisse tirer la sonnette d’alarme. En effet, à l’inverse de QualiSR, le PUCA ne comprend pas dans sa gouvernance des structures reconnues représentant une pluralité d’intérêts.

 

Propagande, y-a-P(L)UCA ?


La notion de « copropriété populaire » avancée par le PUCA repose sur l’étude d’un groupe social d’habitants, avec la volonté d’impliquer les locataires dans la gouvernance. Aussi louable que soit ce souhait, il induit une bien meilleure réflexion juridique.

Dans une société en crise où les tensions entre divers intérêts sont fortes, diminuer les prérogatives des propriétaires sans s’expliquer aura un effet sur le marché.

Marie-Pierre LEFEUVRE insistait à juste titre sur la crise de la copropriété comme faillite d’une structure de confiance.

Mélanger tous les concepts et s’enfermer dans une tour d’ivoire idéologique n’est pas la meilleure manière de reconquérir une crédibilité.

Le copinage avec certains intervenants subventionnés non juristes, comme Rabia ENCKELL, n’annonce, à ce sujet, rien de bon. Cette mouvance de l’habitat participatif qui s’autoproclame représentative pose aussi des difficultés, avec une propagande dissimulant des intérêts carriéristes.

On sait où le flou terminologique a conduit l’Eco-Quartier de Strasbourg qui a qualifié de « copropriété » un immeuble possédé entièrement par une SCI (Société Civile Immobilière) non dissoute (voir Guide pratique pour une gestion durable et participative des copropriétés, 2018, Yves Michel, pp. 44-45 et 123, bourré de préchi-précha bobo convivial sur fond d’erreurs juridiques constantes).

Les animateurs de groupes non formés en droit ne sont pas la solution pour les immeubles en copropriété connaissant déjà des difficultés. Une vraie réflexion sur les exemples étrangers, et notamment américains ou japonais, est nécessaire, car des solutions meilleures ont fait leurs preuves.

 

Gros gâchis, y-a-P(L)UCA ?


Face à la remarque qui précède, le PUCA pourrait mettre en avant la contribution de TERAO Hitoshi à l’équipe dirigée par Marie-Pierre LEFEUVRE (« Transition énergétique dans le droit de la copropriété au Japon », AJDI, février 2020, pp. 97 à 99).

L’article de TERAO Hitoshi est effectivement remarquable. Cet universitaire japonais titulaire d’un DESS de droit de l’urbanisme et de la construction en France était particulièrement bien placé pour comparer les deux nations. Néanmoins, TERAO Hitoshi n’a pas forcément souligné les implications de ce qu’il a écrit.

Au Japon, on compte environ 6 millions de logements situés dans des immeubles en copropriété sur 60 millions de logements (alors qu’en France, certains évoquent 10 millions de logements situés dans des immeubles en copropriété, pour environ 37 millions de logements).

Comme en France, le syndicat des copropriétaires nait de plein droit dès que deux lots sont possédés par des personnes distinctes. L’assemblée générale prend les diverses décisions. Un administrateur élu par l’assemblée remplit le rôle du syndic à la française. Un conseil syndical est également élu par l’assemblée.

Là où les choses deviennent passionnantes, c’est lorsque TERAO Hitoshi explique : « En pratique, l’assemblée générale des copropriétaires élit les membres du conseil syndical et le président est désigné parmi eux. C’est le président du conseil syndical qui est souvent considéré comme administrateur. Cette pratique est reflétée dans le règlement type établi par le ministère de la Construction ».

Cela signifie tout simplement que la gestion de forme coopérative en copropriété, qui est l’exception en France, est la règle au Japon ! Personne au PUCA n’a été jusqu’à le remarquer alors qu’ils avaient l’information sous leurs yeux !

 

Ingratitude, y-a-P(L)UCA ?


Savez-vous pourquoi la coopération en copropriété est un tabou au PUCA, alors qu’ils ont également étudié le MASCOBADO, qui est un syndicat coopératif de copropriétaires (lien) ? Tout simplement parce qu’évoquer la coopération en copropriété oblige à rendre hommage à Michel THIERCELIN, comme nous l’avons fait dans ce blog (lien).

Nous vivons dans une société d’hybris où les individus se prennent pour des dieux et refusent de s’inscrire dans le sillage de ceux auxquels ils doivent tout.

Eva SIMON pense ainsi pouvoir s’exprimer au nom de LA Recherche tout en oubliant les travaux des maîtres de conférences plus expérimentés qu’elle.

De la même manière, le LGOC est fier de se placer dans le sillage de l’USCVB qui est la structure la plus expérimentée en matière gestion coopérative en copropriété. Le PUCA aurait mieux fait d’étudier l’USCVB au lieu de servir une propagande trompeuse à coups de deniers publics…


Visitez le site de QualiSR !


mardi 16 mars 2021

Les copropriétaires dans le « Basket of Deplorables »

Du fait de certains errements, le mouvement de défense des copropriétaires est stigmatisé comme relevant de l’extrême droite. Même le présent blog, pour avoir pris la défense des copropriétaires, est accusé par certains de relever de la droite radicale. Le but est de nous discréditer de manière absolue. Ceux qui ont agi ainsi récoltent aujourd’hui la monnaie de leur pièce.

 

L’erreur stratégique d’Hillary CLINTON

 

Le 9 septembre 2016, à New York, lors d’un évènement LGBT en vue d’une levée de fond, Hillary CLINTON a tenu le discours qui restera probablement le plus célèbre de sa carrière.

 

Elle a expliqué : « You know, to just be grossly generalistic, you could put half of Trump's supporters into what I call the basket of deplorables. Right? They're racist, sexist, homophobic, xenophobic, Islamophobic – you name it. And unfortunately, there are people like that. » (« Vous savez, pour faire une généralisation grossière, vous pouvez mettre la moitié des soutiens de Trump dans ce que j’appelle le panier aux minables. N’est-ce pas ? Ils sont racistes, sexistes, homophobes, xénophobes – tout ce que vous voudrez. Et malheureusement, il y a des gens comme ça. ») (https://www.youtube.com/watch?v=PCHJVE9trSM)

 

Certains électeurs blancs, notamment dans le nord de la Pennsylvanie, se sont sentis injuriés de manière d’autant plus injuste qu’ils avaient voté pour Barack OBAMA en 2008 et 2012, ce qui n’était pas vraiment une marque de racisme.

 

De nombreux électeurs républicains ont donc revendiqué le qualificatif de « deplorables » pour souligner combien ils sont snobés par les élites des côtières des États-Unis et pour s’attirer la sympathie des cols bleus.




 

Hillary CLINTON a sur-mobilisé contre elle tout un électorat anti-élites, ce qui l’a probablement fait perdre.





Ella a aussi fait frôler la défaite à Joe BIDEN en 2020, où 74 millions d’électeurs ont voté pour le candidat républicain aux présidentielles. Jeter la moitié d’entre eux dans le « Basket of Deplorables » reviendrait à diviser durablement l’Amérique.

 

Déconnexion

 

Au lieu d’injurier les électeurs qui ont déjà voté pour son propre parti, mieux vaut aller à leur rencontre et les interroger sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés, afin de proposer des solutions.

 

C’est ce que fit la démocrate membre de la chambre des représentants Elisa SLOTKIN qui a gagné dans sa circonscription au moment même où cette dernière votait majoritairement pour le candidat républicain aux présidentielles (Michigan’s 8th Congressional District).

 

De manière parfois quasiment avouée, des électeurs républicains portant casquettes rouges ont voté pour Elisa SLOTKIN (notamment l’un d’eux qui se fit photographier en arborant un large sourire et en prenant par l’épaule l’un responsable de la campagne de celle-ci). Faut-il jeter Elisa SLOTKIN et ses électeurs dans le « Basket of Deplorables » ?

 

Le problème est identique en France, comme l’a rappelé Christophe GUILLUY dans son ouvrage No Society. La Fin de la classe moyenne occidentale (Flammarion, Champs, 2019, 242 p. et notamment p. 77 et suivantes, avec le chapitre « Qui veut être un déplorable ? »).

 




Ce que note avec raison Christophe GUILLUY dans ce livre est la déstabilisation des élites qui souhaitaient ostraciser la France dite périphérique pour mieux la dominer. Aujourd'hui, ces élites sont prises à leur propre piège, en étant mise de côté par la majorité de la population.

 

Et effectivement, qui prend l’épée périra par l’épée (Matthieu XXVI, 52).

 

Ceux qui jettent les autres dans le « Basket of the Deplorables » peuvent finir par y être envoyés aussi, non sans pleurnicher alors. Regardons ce qui est arrivé aux islamo-gauchistes qui dénigraient le LGOC hier et qui sont vilipendés par la ministre de l’Enseignement supérieur aujourd’hui.

 

D’extrême droite ?

 

Un jour, une architecte bobo qui connaît très bien le Japon nous a dit, après avoir lu les premiers écrits de l’association LGOC : « mais vous, vous êtes d’extrême droite » avant de nous envoyer paître, ce qui est son droit. Elle aurait néanmoins pu éviter d’être de mauvaise foi dans ses appréciations politiques...

 

En effet, le LGOC critique les bobos ainsi que l’individualisme forcené, et notamment le fait de vouloir agir sur la société sans s’inscrire dans une organisation collective. Est-ce pour autant « d’extrême droite » ?

 

Il est vrai que des auteurs comme Marie-Pauline DESWARTE, intervenante à Valeurs Actuelles et à Radio Courtoisie, soutien de la Manif pour Tous et du royalisme, combattent aussi l’individualisme (L’idée républicaine selon Marie Pauline DESWARTE).

 

On peut effectivement enfermer les personnes dans des cadres hérités du passé, voire dans des identités liées à leurs origines.

 

On peut aussi construire des dynamiques collectives structurées où chacun doit respecter les anciens acteurs pour gagner le respect à son tour, sans distinction de genre, de couleur de peau, de religion, d’état de santé, d’âge ou d’orientation sexuelle.

 

Le LGOC prône clairement la deuxième option. Est-ce une raison pour être jetés dans le « Basket of Deplorables » ?

 

De la même manière, Marie-Pauline DESWARTE parle beaucoup de gènes et d’identité héritée, à tort, selon le LGOC. Toutefois, est-ce un motif pour la stigmatiser elle aussi ? Elle s’exprime publiquement et à visage découvert. Ceux qui veulent contester ses idées, ou apporter de fortes nuances, comme nous le faisons, peuvent le faire.

 

Diaboliser ses contradicteurs, à l’inverse, ne conduit nulle part, si ce n’est à un raidissement des oppositions.

 

Retour de bâton

 

Le mouvement de défense des copropriétaires a été affecté par ce mépris d’une certaine Bohème, même si cette dernière est évidemment légitime à intervenir dans le débat.

 

Le fait de se sentir méprisé par l’establishment suscite cependant de l’aigreur chez certains individus, notamment les bénéficiaires de la haute croissance devenus copropriétaires, qui vieillissent actuellement et dont le bilan est violemment remis en cause, notamment au plan environnemental et organisationnel, en ces temps de pandémie.

 

On se souvient de l’attitude de l’UNARC qui, face aux attaques contre les syndics non professionnels, avait lancé :  « De votre côté, n’hésitez pas à faire savoir à votre député que vous lui couperez les oreilles si d’aventure un jour ce projet venait à être débattu au Parlement et qu’il vote ‘‘pour’’. Les oreilles !!! » (« Les syndics bénévoles attaqués : l’ARC réagit », Bulletin de l’ARC, avril 2009, n° 84, p. 26) (Quel statut pour le syndic ‘‘bénévole’’ rétribué ?)

 

Les détracteurs du LGOC vont s’en donner à cœur joie… Sur le combat pour les syndics non professionnels, UNARC et LGOC ont parfois été côte à côte. Est-ce à dire que le LGOC soit populiste et appelle à couper les « oreilles » des députés hostiles ?

 

Le LGOC appelle à ne jamais menacer, même sur le ton de la plaisanterie, les élus et regrette vivement la formulation employée par l’Association des Responsables de Copropriété dans la citation visée plus haut.

 

Néanmoins, aujourd’hui, nous pouvons regarder avec ironie les mésaventures de Marwan MOHAMMED et Julien TALPIN suite au livre qu’ils ont dirigé et qui s’intitule Communautarisme ? (PUF, 2018, Idées, 109 p.).

 

Dans ce livre, l’article de Houda ASAL et Julien TALPIN (« L’égalité, au cœur des luttes contre l’islamophobie », pp. 85 à 98) faisait l’éloge du CCIF, une organisation aujourd’hui dissoute par le gouvernement (discours du 2 décembre 2020 du porte-parole du gouvernement) pour « propagande odieuse » (les accusations graves et précises du gouvernement devant être vérifiées par la Justice).

 

Julien TALPIN et tous ses alliés se retrouvent donc dans le « Basket of Deplorables » à leur tour… Voilà pourquoi il ne faut jamais y jeter les autres.

 

samedi 26 septembre 2020

Ensauvagement en copropriété

 

Certains s’étonnent des relations extrêmement tendues entre syndics et copropriétaires. Ainsi, des commentateurs déplorent les invectives qui sont échangées et les mettent sur le compte de « l’ensauvagement » de notre société. Quelques margoulins veulent même se faire payer en organisant des « médiations » entre des personnes qui ont d’excellentes raisons de se détester… Le but est de tordre le bras aux plus fragiles pour faire accepter des violations de la loi. Or, de nombreux copropriétaires ont été trompés à l’achat. De leur point de vue, le syndic n’est autre que le bras armé d’un ordre public punitif qui s’impose dans la tromperie et l’inefficacité. Tant que ces copropriétaires déçus auront raison sur ce point, les différends entre eux et les syndics se multiplieront.

 

Contraintes collectives cachées

 

Depuis 1789, les gouvernants français ont voulu inciter les citoyens à acquérir chacun des lopins de terre pour stabiliser les familles et susciter un attachement à un bien immobilier particulier. Cela permettait de combattre les idées révolutionnaires tout en développant un esprit individualiste. L’absence de corps intermédiaires puissants permettait à l’État d’être omnipotent.

 

Après le premier conflit mondial, il a été constaté que de nombreux immeubles possédés par des détenteurs uniques étaient mal entretenus. Des chambrettes dégradées y étaient louées à des familles ouvrières dans des conditions d’insalubrité répugnantes.

 

En 1938, le Parlement donc créé la notion de copropriété pour tenter de mobiliser l’épargne de plusieurs ménages pour l’entretien de bâtiments uniques. Ainsi est née la notion de lot de copropriété. Ce dernier est composé de manière indissociable de parties privatives et d’une quote-part de parties communes gérées collectivement. Des syndicats de copropriétaires devaient naître. L’organe décisionnel principal était l’assemblée générale des copropriétaires.

 

Comme on n’attire pas les mouches avec du vinaigre et que les Français étaient désormais culturellement attachés à une conception individualiste de la propriété, les notaires ont dissimulé la dimension collectiviste de la copropriété lors des achats de lots, avec la bénédiction des pouvoirs publics qui espéraient sans doute qu’une fois devenus copropriétaires, les Français allaient progressivement s’habituer à accepter des contraintes collectives.

 

Or, quand on donne tous les pouvoirs à des assemblées composées de spéculateurs individualistes, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils instaurent du collectivisme.

 

Les travaux lourds attendus par le gouvernement n’ont donc pas été entrepris.

 

Ordre public trompeur

 

Au lieu de comprendre que le projet même de la copropriété n’était peut-être pas adapté à la culture française, le gouvernement a persévéré dans l’erreur.

 

Par la loi du 10 juillet 1965, le pouvoir gaulliste a donc décidé d’imposer, en copropriété, des règles d’ordre public, c’est-à-dire qui s’appliquent même si les copropriétaires voudraient s’arranger autrement entre eux. Depuis, ces règles se sont considérablement alourdies, notamment vis-à-vis du syndic, la personne chargée d’exécuter les décisions de l’assemblée générale.

 

Le syndic a été accablé de missions diverses dont certaines relèvent uniquement du service de l’intérêt général (immatriculation, signalement, propositions diverses à faire obligatoirement à l’assemblée générale...).

 

On peut parler des douze travaux du syndic qui doit être archiviste (avec une profusion de paperasses), documentaliste (avec des éléments à fournir en permanence), gestionnaire des sinistres assurantiels, conseiller juridique des copropriétaires, animateur des assemblées générales (qui obéissent à des formalités multiples et tatillonnes), chargé de l’entretien des parties communes (alors que les vices de construction se multiplient), représentant légal (lors de procédures longues et compliquées), exécutant des décisions d’assemblées générales (alors que l’tat impose aux assemblées de se prononcer en permanence sur tout et rien), comptable (avec un schéma comptable bien plus complexe que celui des entreprises), dirigeant du personnel (et chacun connaît la complexité du droit du travail français), agent public (l’administration voulant que le syndic soit son relai bénévole dans l’immeuble), le tout en exerçant son mandat à titre strictement personnel (au moment où les fusions-absorptions se multiplient, ce qui peut entraîner la perte du mandat).

 

Ces missions et les différends qu’elles génèrent sont décrites dans un livre qui vient de paraître.

 

 


 

Livre disponible à la FNAC

 

Or, le syndic, quand il est rétribué, est payé par les copropriétaires. Quand le syndic n’est pas rétribué, c’est obligatoirement un des copropriétaires qui exerce cette mission.

 

Pourquoi les copropriétaires devraient-ils payer ou se dépenser pour accomplir des missions qui ne sont même pas directement à leur avantage ?

 

En effet, les assemblées générales de copropriétaires sont restées les principaux organes décisionnaires, avec notamment le pouvoir de nommer le syndic.

 

Avec un ordre public toujours plus lourd, cet état de fait ne pouvait que provoquer des catastrophes.

 

Un monde sans syndics

 

Comme les spéculateurs individualistes attirés par des publicités mensongères en copropriété ne sont pas abrutis, ils ont trouvé la parade face à un ordre public contraignant qui leur est généralement dissimulé à l’achat.

 

Puisque le syndic est le bras armé de l’ordre public, il suffit de ne pas en élire un pour être tranquille.

 

Ainsi, l’État a cru très fin d’imposer une immatriculation obligatoire à compter du 31 décembre 2018, à la charge du syndic, bien entendu…

 

Au 31 mars 2020, 111 064 syndicats de copropriétaires étaient dénués de syndics sur les 450 868 syndicats immatriculés. On peut évaluer à environ 236 000 le nombre de syndicats de copropriétaires même pas immatriculés du tout, et donc sans doute dénués de syndics officiels. Sur 687 000 syndicats de copropriétaires, il n’y a donc assurément ou probablement pas de syndic dans la moitié d’entre eux ; voir Th. POULICHOT, « Copropriété désorganisée : les chiffes », Informations Rapides de la Copropriété (IRC), n° 661, septembre 2020, p. 38…

 

De nombreux lots de copropriété sont vendus dans des immeubles dénués de syndic, ce qui posent des problèmes d’information des acquéreurs et présente de graves risques de conflits, voir Ch. COUTANT-LAPALUS, « Un monde sans syndic et la vente d’un lot », IRC n° 661, pp. 37 à 41.

 

 


 

Arrêter les tromperies

 

La première des choses à faire pour éviter les différends est de prévenir les acheteurs pour que plus jamais ils ne soient pris par surprise.

 

Un livret de suivi doit être établi dans tous les syndicats de copropriétaires, sans même qu’il soit besoin de faire intervenir la loi.

 

Pour chaque lot, les sinistres intervenus et les jugements rendus doivent être signalés. La liste des assemblées générales depuis la mise en copropriété doit être donnée, tout comme l’identité du président de séance et des éventuels scrutateurs. Le taux de participation pour l’élection du bureau doit être indiqué. Le nom des syndics et des conseillers syndicaux doit être fourni.

 

Ainsi, l’acheteur saura parfaitement si le syndicat de copropriétaires fonctionne normalement ou non. Les avantages du livret de suivi sont décrits dans le livre précité.

 

 


 


Reconstruire l’intermédiation

 

Pour les copropriétaires qui sont déjà piégés, inutile de leur donner des leçons ou de tenter de les arnaquer en leur proposant des médiations où le médiateur est ligué avec ceux qui les ont escroqués.

 

Le copropriétaire ne doit plus être vu comme un consommateur méprisé et manipulable à merci.

 

Toute la camarilla des technocrates insolents qui n’a jamais écrit une ligne dans une revue sérieuse sur la copropriété doit apprendre à se taire et à ne plus toiser avec arrogance de malheureux copropriétaires que les pouvoirs publics ont contribué à tromper.

 

Pour éviter les échanges explosifs et l’incrustation des haines, les copropriétaires doivent insister pour ne jamais être interpelés directement par les acteurs défaillants responsables des vices du système immobilier actuel.

 

Que chacun adhère à une association agréée et insiste pour la constitution de comités de pilotage permettant de vérifier que les syndics soient certifiés suite à l’accomplissement de tâches précises laissant des traces écrites. Là encore, ces mécanismes sont décrits dans l’ouvrage précité (Syndics. La Prévention des différends).

 

 


 


samedi 15 septembre 2018

La participation sans la démocratie ?


Le LGOC et l’IGCHF, qui tiennent le présent blog, ont suscité la parution d’un ouvrage démontrant que participation et démocratie peuvent aller de pair, sans cacher que ce n’est pas toujours le cas actuellement. Il est vrai que ceux qui promeuvent la participation peuvent aussi être guidés par le culte de l’argent, par le souci de dominer des masses inféodées ou par la volonté de constituer une élite fermée. Seuls ceux qui construisent des collectifs égalitaires ouverts à tous mais avec un compagnonnage obligatoire pour éviter le chaos individualiste sont d’authentiques démocrates.



La fin d’un discours simpliste sur la participation démocratique



Un certain discours relatif à la ‘‘démocratie participative’’ consiste à appeler les citoyens à se mobiliser dans l’action collective pour retrouver une capacité d’influence sur leur propre vie.

La tendance conduite par Benoît HAMON ainsi qu’Europe Ecologie Les Verts a souvent adopté cette phraséologie.

Si ce courant politique a connu quelques difficultés en 2017 et qu’il semble assez mal en point, c’est parce que ce raccourci est simpliste. Il est vrai qu’on ne peut pas être démocrate seul dans son coin mais en s’associant avec des individus assujettis par des tyrans, on n’œuvre pas à la démocratie non plus.

Une action collective peut ne pas être démocratique du tout, même s’il est vrai qu’il ne peut pas y avoir de démocratie sans action collective.

L’ouvrage qui vient de paraître aux éditions du Puits fleuri le montre :








Les différents types de participation

Dans ce livre, quatre types de participation sont repérés.

Le premier mode de participation est démocratique. Il repose sur l’intégration de tous sans discrimination. Toutefois, il nécessite aussi une organisation qui oblige chacun à respecter les autres dans une égalité stricte.

Pour éviter la sauvagerie consumériste et l’esprit d’avidité hérité de mai 1968, chaque nouveau membre d’un tel collectif doit s’astreindre à un compagnonnage auprès d’une personne qui a déjà prouvé qu’elle était capable de s’associer aux autres à égalité.

Ensuite, après ce compagnonnage, les nouveaux venus doivent prendre toute leur place à égalité avec les autres dans la gestion du groupe.

Le second mode de participation est aristocratique. Il repose sur l’idée que certaines personnes, du fait de leur culture, de leur genre, de leur degré d’instruction, de leurs choix de vie, de leur religion ou de leur couleur de peau, doivent être exclues car elles sont inférieures.

Le groupe pratique alors la cooptation pour interdire la venue de tous ceux qui déplaisent aux membres. C’est contraire au principe de mixité dont certains élus prétendument progressistes nous rebattent les oreilles, mais après tout, chacun est libre de faire ce qu’il veut du moment qu’il ne demande pas le soutien de la puissance publique, qui n’a pas à soutenir la constitution de privilèges et le repli communautariste.

Le troisième mode de participation est ploutocratique, de ploutos, la ‘‘richesse’’ en grec ancien. Là encore, le groupe est fermé mais la sélection des membres ne repose que sur l’argent.

Enfin, la participation peut se fonder sur l’intégration de masses remuantes qui s’expriment dans le désordre mais qui sont placées sous la dépendance de dirigeants qui les manipulent. C’est là un fonctionnement ochlocratique, du grec ancien ochlos (qui se prononce okhlos), la ‘‘foule mue par ses instincts’’.

Entre démocratie, aristocratie, ploutocratie et ochlocratie, le livre précité n’opère pas une hiérarchisation morale. Il repère simplement les modes d’organisation les mieux adaptés à chaque attitude.

Un outil pour les citoyens, les élus et les professionnels

Grâce à cet ouvrage, les citoyens peuvent vérifier la correspondance entre ce qu’on leur promet et ce qu’on leur vend effectivement.

Trop souvent, des promoteurs parlent d’habitat participatif parce qu’il s’agit d’un verbiage sympathique en évoquant la démocratie avec grandiloquence.

Dans les faits, ils vendent un fonctionnement relevant au mieux de l’aristocratie ou de la ploutocratie, au pire de l’ochlocratie.

Avant de s’investir dans de tels projets, la population doit y voir plus clair.

Des animateurs professionnels payés grâce à des subventions publiques n’ont également que le mot démocratie à la bouche alors qu’ils encouragent la cooptation aristocratique.

En France, on a évidemment le droit de fonder des associations aristocratiques ou ploutocratiques voire despotiques. À l’inverse, il ne saurait alors être question de disposer alors de soutiens financiers de la collectivité.

Les groupes fonctionnant sur une base élitiste n’ont pas à être soutenus par la puissance publique pour leur fonctionnement. Les élus doivent être plus vigilants à cet égard pour ne pas soutenir « l’entre-soi à coups de deniers publics » selon la formule d’une fonctionnaire d’une collectivité bretonne.

Quant aux professionnels du droit et de l’immobilier, ils voient surgir la concurrence plus ou moins loyale d’acteurs non formés souhaitant conseiller les groupes d’habitants sans payer de charges équivalentes à celles des intervenants traditionnels.

Notaires, avocats et syndics doivent réagir au lieu de se laisser manipuler par ceux qui dévalorisent leurs professions. Les attitudes ultralibérales et libertaires consistant à favoriser l’irruption d’individus à n’importe quelle condition sur un marché ne relèvent pas de la démocratie mais de l’ochlocratie.

Les consommateurs doivent en être avertis. S’ils veulent se comporter comme des pigeons, libre à eux, mais qu’ils ne s’étonnent pas d’être plumés à la fin.




samedi 16 décembre 2017

Se souvenir de Pauline Roland

Une commémoration importante

Tous les ans, le 16 décembre, sachons nous souvenir de Pauline ROLAND.



Cette institutrice féministe née en 1805 et morte le 16 décembre 1852 fut l’une des mères du mouvement coopératif français.

Elle a collaboré avec le socialiste fouriériste Pierre LEROUX à Boussac où il avait fondé un phalanstère dans la filiation de FOURIER.

Elle a aussi encouragé des travailleurs au chômage à créer leurs propres entreprises et à les gérer ensemble. Ainsi fut fondée l’Union des Associations de Travailleurs en 1848 qu’elle a dirigée. Cette structure était l’ancêtre de l’actuelle Confédération Générale des SCOP.

En 1851, Pauline ROLAND a été persécutée par l’ignoble tyrannie putschiste conduite par le méprisable Louis Napoléon BONAPARTE. Déportée en Algérie, elle n’a pu revenir qu’en 1852 gravement malade et est décédée à Lyon peu après son retour en France.

Pauline ROLAND a vécu en union libre, ce qui était perçu comme très audacieux à l’époque. Elle eut trois enfants et insista pour qu’ils portent son nom et soient élevés par elle. Elle a également recueilli la fille de Flora TRISTAN, Aline, qui allait devenir plus tard  la mère de Paul GAUGUIN.

En ces temps de querelles autour des APL, qu’aurait pensé Pauline ROLAND des technocrates qui conduisent une fronde contre le gouvernement élu et qui revendiquent le soutien des associations de locataires ?

L’histoire vue par une coopératrice

Pour comprendre les idées de Pauline ROLAND, il faut lire un ouvrage intéressant et disponible en ligne. C’est son Histoire de l’Angleterre depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours (Desessart, Paris, 1838, volume 1, 300 p., signé sous l'orthographe Pauline ROLLAND avec deux L...)

Bien entendu, les connaissances historiques ont beaucoup évolué depuis 1838 sur l’antiquité et le Moyen âge anglais. Pauline ROLAND porte également beaucoup d’avis moraux sur les personnages historiques. Le livre est néanmoins surtout intéressant pour la vision du monde qu’il propose plus encore que pour les informations qu’il donne.

Pauline ROLAND présente ainsi le christianisme comme la religion des faibles et des opprimés par opposition au joug romain païen (p. 30).

Elle fustige la « lâcheté » d’Ethelred, le roi saxon qui n’a pas su résister à l’invasion danoise menée en 1013 par Sven, père de Canut le grand.

Pauline ROLAND contre les tyrans

Concernant Guillaume le Conquérant, qui envahit l’Angleterre à partir de 1066,  Pauline ROLAND ne mâche pas ses mots :

« Lorsque Guillaume fut véritablement roi d’Angleterre, l’oppression n’eut plus de bornes, et parce qu’il pouvait tout, il se crut tout permis » (p. 92).

Quand ce roi mourut, personne ne se soucia de ses funérailles dans un premier temps.

« Personne n’avait aimé Guillaume, et il fut abandonné de tous quand on n’attendit plus rien de lui » (p. 103).

En effet, « sa perfidie et sa cruauté n’avaient pas de bornes » (p. 104).

Guillaume le Conquérant n’est pas le seul souverain à être vilipendé par Pauline ROLAND.

Henri Ier Beauclerc, le fils cadet du Conquérant est fustigé ainsi : « Le roi haïssait ses sujets anglo-saxons qu’il accablait d’exactions » (p. 117).

L’héritière d’Henri Beauclerc, sa fille Mathilde, veuve du souverain du Saint-Empire romain germanique, et pour cela appelée l’emperesse, n’est pas traitée avec plus de ménagement par la féministe Pauline ROLAND qui lui reproche son refus de respecter les lois anglo-saxonnes aboutissant à sa fuite de Westminster en 1141 (p. 124).

On le devine, Pauline ROLAND n’aime pas les souverains autoritaires. Elle loue le fait que les rois saxons aient traditionnellement été élus en Angleterre et que ce qu’elle appelle le conseil national ait gardé une influence considérable pour régler les fréquentes querelles de succession parmi les successeurs de Guillaume le Conquérant (p. 126).

Du bon usage des mauvais rois pour la liberté

Pauline ROLAND apprécie aussi les efforts d’Henri II Plantagenet pour limiter les privilèges de l’Eglise qu’elle estime mauvais pour la bonne administration du pays (p. 136). C’est peut-être un anachronisme inspiré par l’anticléricalisme des milieux progressistes à son époque à elle…

Elle condamne les émeutes antisémites lors du sacre de Richard Cœur de Lion qu’elle décrit par le menu (pp. 149-152) en notant l’appât du gain de ceux qui les ont fomentées, au-delà des arguments qu’elle qualifie de « fanatiques ». Là encore, c’est parti d’un bon sentiment qui ne reflète peut-être pas les enjeux médiévaux.

Elle approuve la charte créant la commune de Londres accordée par Jean sans Terre qui voulait se créer des alliés.

Concernant ce souverain peu reluisant, elle remarque :

« Les brillantes qualités des princes sont rarement les auxiliaires de la liberté ; peu de chartes sont octroyées volontairement, et souvent le règne d’un imbécile tyran amène ce qu’on a vainement attendu de ceux que l’histoire appelle de grands rois » (p. 160).

Elle porte le même jugement sur son fils Henri III d’Angleterre dont le règne (1216-1272) est décrit comme une longue minorité où s’est exercée la domination de régents puis de favoris plus ou moins nuisibles :

« Les mécontentements que soulevaient tour à tour ces gouvernants aidèrent à la marche de la liberté, et on peut dire avec vérité que jamais roi si indigne n’eut un règne aussi fécond en heureux résultats » (p. 180).

C’est une référence implicite au roi Charles X dont la tentative d’absolutisme suranné a provoqué la révolution de 1830 en France…

Un passé relu avec des lunettes démocrates et humanistes

Le fait que Jean sans Terre ait été élu roi par le « conseil national » (p. 168) est aussi souligné. Son « libertinage », qualifié de « sans bornes » (p. 173) ont donc finalement des conséquences intéressantes.

Le 19 juin 1215, la Grande Charte (Magna Carta) est signée, contenant des « principes éternellement vrais ». Au final, la « lutte d’un grand peuple contre un misérable despote » a dès lors produit de bons fruits (p. 175).

On a ici la preuve que cette femme de gauche des années 1830 utilisait l’histoire d’Angleterre comme prétexte pour faire passer des idées contre la tyrannie monarchique avec des objectifs que les acteurs médiévaux dont elle loue les révoltes auraient trouvé sans doute surprenants.

Le Comte de Gloucester (1090-1147) allié de l’impératrice Mathilde ou le Comte de Leicester Simon de Monfort (mort en 1218) auraient été surpris de recevoir les éloges d’une féministe partisane de l’autogestion par les travailleurs des moyens de production… Soyons francs, ils auraient sans doute bien ri !

Les bornes et la servitude

On peut noter que Pauline ROLAND aime utiliser l’expression « pas de bornes ». En page 183, elle explique que la colère des barons médiévaux contre Henri III n’avait pas de bornes et que la prodigalité de ce roi n’avait pas de bornes non plus.

Cet appel à la modération et au contrôle de soi est aux sources de l’attitude du mouvement coopératif encore aujourd’hui.

Vouloir construire des limites pour poser des freins à la domination des uns sur les autres est également une préoccupation importante, d’où l’insistance de Pauline ROLAND sur les révoltes contre le servage de 1381 et son éloge du religieux « Jean BALL » (John BALL), « pauvre prêtre » trois fois emprisonné pour ses idées (p. 232).

Là encore, on peut ironiser sur l’apologie qu’elle fait de l’auteur d’une des phrases certes des plus révolutionnaires mais aussi des plus machistes de l’histoire médiévale (When Adam delved and Eve span, who was then the gentleman ?) (Quand Adam bêchait et Eve filait, qui était donc le gentilhomme ?).

Selon John BALL, les femmes étaient donc uniquement bonnes pour utiliser la quenouille… Ce qui avait un sens au Moyen âge où l’on disait d’un fief hérité par une femme qu’il partait en quenouille…

Si on veut faire un jeu de mots sur le nom de John BALL, on pouvait dire que son discours était parti en autre chose…

La société médiévale était inégalitaire et machiste, même quand elle s’opposait au despotisme monarchique ou seigneurial. C’est un point central que Pauline ROLAND a mal vu et qui explique les problèmes du mouvement coopératif aujourd’hui, puisqu’il a bâti de nouvelles hiérarchies élitistes camouflées derrière une démagogie prétendument hostile au servage.

La sympathie romantique

Pauline ROLAND fut une femme formidable mais elle est restée une dame de son temps, très marqué par la sensibilité romantique, ce qui n’est pas toujours désagréable. Elle n’aime pas trop les rois et les hauts aristocrates arrogants, mais dès qu’ils sont vaincus, elle sait les plaindre.

Edouard II est un « malheureux » quand il est assassiné par ses barons révoltés (p. 210).

La duchesse de Gloucester Eléonore COBHAM est une « malheureuse » quand elle doit faire amende honorable, accusée de sorcellerie (p. 267).

Pauline ROLAND a aussi toujours tendance à défendre les enfants, même quand ils sont rois.

Isabeau de Bavière, qui abandonne son fils Charles VII à la vindicte des Anglais, est qualifiée de « misérable Isabeau » et de « mère aussi dénaturée qu’indigne épouse » (pp. 257 et 258).

L’amour libre, d’accord, mais pas l’adultère… On peut approuver Pauline ROLAND tout en notant qu’il est difficile de juger les gens du Moyen âge avec notre morale des XIXe, XXe et XXIe siècles.

Elle qualifie aussi d’infamie la déposition du jeune roi Edouard V par son oncle Richard III avec l’assentiment d’un « parlement vénal » et du fait des agissements du « vil Buckingham », conseiller du nouveau roi (p. 294).

Pourtant, Pauline ROLAND explique à plusieurs reprises qu’elle préfère le gouvernement par les élus et qu’elle estime que le pouvoir royal, surtout quand il est placé dans les mains d’un enfant, mène à la catastrophe.

Néanmoins, une fois l’enfant destitué, elle plaint celui-ci en tant que jeune être humain digne de respect, d’amour, de protection et de mansuétude.

C’est charmant et il nous faut tenter de garder cette gentillesse.

La révolte du clergé privilégié des HLM

Qu’aurait pensé Pauline ROLAND de l’actuelle caste qui dirige les HLM ?

D’abord, elle l’aurait assimilée à un clergé.

Ensuite, elle en aurait sans doute dit beaucoup de mal. Elle aurait approuvé les questions légitimes de la CLCV qui a mis en cause la gouvernance des HLM et les rémunérations parfois mal contrôlées (https://www.cbanque.com/actu/48950/hlm-association-de-consommateurs-clcv-poursuit-son-operation-transparence).

Elle aurait approuvé la CLCV, qui a bien fait son travail et qui se réclame d’idées proches des siennes (en voulant encourager les citoyens à prendre leurs affaires en mains, ce qui devrait mener à l’autogestion dans les HLM).

Elle aurait, par contre, regretté que la CLCV abandonne aujourd’hui sa position vigilante pour donner sa caution à une opération de propagande menée par une élite autoproclamée avec l’argent des organismes HLM contre le gouvernement élu.

Pauline ROLAND n’aimait pas les clercs privilégiés. Autant elle se réjouissait de voir des tyrans féodaux maladroits faire monter par réaction les contrepouvoirs civils, autant elle approuvait les rois forts qui faisaient plier l’Eglise et ses prétentions.

Néanmoins, il ne faut pas désespérer, d’autant que la CLCV est très prudente, un peu comme gênée dans cette affaire. Qu’elle s’inspire donc de Pauline ROLAND qui n’a jamais été complaisante ou courtisane à l’égard des puissants et des gens établis.

Si les privilégiés prétendent réellement défendre les occupants des HLM, qu’ils leur laissent la place, comme en 1848 dans l’association dirigée par Pauline ROLAND où les ouvriers avaient pris le pouvoir. Alors seulement les récriminations contre le gouvernement qui prive de moyens les HLM pourront être entendues.


Quant à ceux qui prétendent que cet impossible, qu’ils vérifient ce qui s’est passé dans le mouvement coopératif où des SCOP sans élite prédatrice fonctionnent très bien (et en tout cas beaucoup mieux que des organismes mal gérés par des potentats). On rappelle qu’une société coopérative a fonctionné durant 7 siècles en France… Peu d’entreprises et aucun organisme HLM ne peuvent en dire autant.