Dans un ouvrage
intitulé Pourquoi s’engager ?
(Bénévoles et militants dans les associations de solidarité) (Payot, Paris,
2005, 212 p.), Bénédicte HAVARD-DUCLOS et Sandrine NICOURD ont présenté une
analyse particulièrement utile, comme le montrent les pages citées ci-après.
L’engagement pour les autres est apprécié par les
citoyens (p. 99). En effet, il donne du
sens à la vie, malgré les difficultés du moment et les injustices passées
(p. 113).
Encore faut-il que
les structures associatives qui souhaitent bénéficier de la mobilisation des
citoyens acceptent que la pertinence de leurs propositions soit vérifiée.
Les volontaires
veulent défendre des valeurs. Dès lors, leur devoir est d’adopter le
comportement qui permettra le mieux d’atteindre les objectifs visés. Cela
implique une comparaison des diverses possibilités disponibles et donc une
forme de concurrence entre plusieurs chemins éventuels.
Or, cette idée d’être
soumis à la critique et à la concurrence est insupportable pour les potentats
en place. Du coup, ils finissent par se recroqueviller sur des proclamations
grandiloquentes totalement détachées des performances effectives. Cela conduit
à une défiance des médias à l’égard
de l’engagement (p. 186) et à un désenchantement
des militants associatifs (p. 193) qui changent fréquemment de structures parce
qu’ils recherchent un mode d’action plus efficace ailleurs.
La question est donc
simple. Laissera-t-on les féodalités
regretter les temps où les participants aux démarches collectives étaient
dociles et peu mobiles (p. 174) ? Contraindra-t-on plutôt les
potentats à accepter de faire leurs preuves et à être en permanence soumis au
regard de citoyens autonomes qui, pour
trouver mieux, doivent savoir voter avec
leurs pieds ?
Deux visions du monde
s’opposent donc dans le milieu de l’engagement. D’un côté, des individus manipulés sont aveuglément
dévoués à un appareil qui leur promet monts et merveilles. De l’autre, des militants affranchis évaluent
constamment l’opportunité de leur parcours au regard des buts qu’ils
poursuivent (p. 189).
L’enjeu est donc
clair. Merci à Bénédicte HAVARD DUCLOS et Sandrine NICOURD qui l’on posé dès
2005. Hélas, il a fallu attendre longtemps pour que la dangerosité de l’assujettissement
individuel soit mieux perçue en France, et encore…
Des individus qui
recherchent un sens à leur vie parce que le monde ne les satisfait pas, mais
qui, dans le même temps, sont dénués de tout esprit critique, présentent un
risque social majeur, car ils sont vulnérables face aux emprises sectaires. Si le phénomène devient massif, c’est vers l’obscurantisme
que se dirigent des franges entières de la société.
Avant de se comporter
avec arrivisme, les permanents associatifs qui reformulent les enjeux autour de leurs propres intérêts (p. 142)
seraient mieux avisés de s’interroger. Les combats pour des valeurs qui
permettent d’accéder à un progrès sont essentiels parce qu’ils offrent une
perspective à ceux que l’injustice révolte. Détourner ces combats revient à
priver d’espoir les mécontents. Ces derniers se laissent alors happer par des
marchands de rêves qui promettent une société simple, ordonnée et stable où les
élus auront leur place et où les méchants seront péremptoirement punis.
Quand la croissance
économique offre à chacun une perspective d’amélioration de son niveau de vie, ces
tentations sont plus faibles. A l’inverse, dans des temps où les défis économiques
et environnementaux à relever seront croissants, le risque sectaire devient
omniprésent.
La captation par des irresponsables
des ressources civiques liées à la défense de valeurs essentielles devient alors
particulièrement condamnable. Car la volonté
d’engagement des citoyens est une ressource
rare qu’il convient de respecter et non de gaspiller pour semer le dégoût
et le désespoir.