lundi 9 décembre 2013

Servus servorum Dei : Hommage à John BELLERS

L’association LGOC a donc adopté de nouveaux statuts le 07 décembre 2013.

Ces statuts font directement référence à John BELLERS (1654-1725), un Quaker anglais qui fut le précurseur de la coopération dans son ouvrage de 1696 : Proposals for Raising a Colledge of Industry of All Useful Trades and Husbandry (Londres, T. Sowle).

En préface de son ouvrage, John BELLERS cite les propos du Lord Chief Justice HALE qui rappelait que chacun n’est que le gardien de sa fortune ou de son talent. Nous devons donc rendre compte de l’usage que nous faisons des moyens dont nous disposons.

Ce qui est en notre pouvoir doit donc être mis au service d’objectifs légitimes. John BELLERS n’en était pas pour autant favorable au despotisme ou au collectivisme. L’obligation d’agir en direction d’un but précis donné n’est pas seulement une contrainte. Cela confère également une dignité et une capacité à de résistance à l’asservissement tyrannique.

Même si John BELLERS aurait été un peu surpris de cette remarque, une telle vision des choses s’inscrivait dans une tradition ancienne.

Depuis Grégoire Ier (vers 540 - 604), les souverains pontifes romains utilisent, pour eux-mêmes dans leurs actes importants (et notamment les bulles), la formule servus servorum Dei (serviteur des serviteurs de Dieu). 




Grégoire Ier

Cette marque d’humilité visait à souligner que le pontificat n’était pas un pouvoir mais un service. Dans le même temps, se placer dans une optique de mission rend indépendant par rapport à ceux qui ne partagent pas cet objectif. Les pontifes, avec cette formule, commencèrent à se détacher clairement de l’autorité de l’empereur siégeant à Constantinople.

La coopération telle que l’a prônée John BELLERS permettait justement le même mouvement vers l’autonomie. Les collèges d’industrie qu’il souhaitait bâtir visaient à faire sortir les pauvres, et tout particulièrement les enfants, des logiques d’extrême dépendance dont ils étaient les captifs soit dans le cadre d’institutions charitables, soit à l’égard d’employeurs très cruels.

En participant à une démarche collective, les membres de ces collèges d’industrie étaient placés dans un processus éducatif qui leur donnait une place et des prérogatives liées aux objectifs poursuivis par ces structures, même si chacun avait également des obligations pour contribuer à la réussite de ces objectifs.

L’association LGOC a tenté de mettre en place une organisation similaire pour être au service de ceux qui veulent coopérer ou s’intéresser à une coopération offrant des garanties objectives. Chacun peut accompagner la démarche à sa manière, y compris en étant référent externe. Toutefois, les diverses fonctions créées par les statuts ne sont pas des produits de consommation mais des missions dont on doit prouver que l’on a la capacité de les mener.

Ainsi, pour celui qui montrerait avoir promu la coopération telle que l’a conçoit l’association depuis plus longtemps que ne l’a fait le président actuel, ce serait avec plaisir que les membres de l’association lui offriraient la présidence, à charge pour lui de continuer à remplir les obligations corollaires. Les fonctions dans l’association ne visent pas à conférer des statuts insusceptibles d’évaluation. Elles sont plutôt les corollaires de missions au service de principes bien précis.

John BELLERS a également répondu à une objection souvent portée contre ce type d’actions collectives. Du fait de la crise ou des périls guettant la société, il ne serait pas possible, selon certains, de s’investir dans un projet structuré. Tous devraient obéir aux règles de l’immédiateté et de l’urgence au profit des droits qu’ils prétendent détenir. Cette position est évidemment absurde. Plus la situation de la société est grave, plus la mission pesant sur chacun est importante et moins les droits de ceux qui veulent s’opposer à la réalisation de cette mission sont légitimes.

Robert OWEN (1771-1858), un industriel de Grande-Bretagne, est l’un des fondateurs de la mouvance coopérative contemporaine et il s’est explicitement inspiré de John BELLERS. Avec raison, des auteurs s’intéressent aujourd’hui à Robert OWEN. On doit remercier Ophélie SIMEON (http://www.laviedesidees.fr/Robert-Owen-pere-du-socialisme.html) de noter l’influence de ce passé sur le travaillisme britannique actuel. On peut également signaler les travaux de la Robert Owen Association au Japon (http://ica-ap.coop/sites/default/files/articles_14.pdf).

Désormais, il appartient au LGOC d’accomplir sa tâche en montrant comment ce courant, exprimé depuis le XVIIe siècle mais présent dès le Haut Moyen Âge, peut nous donner des idées concrètes et utiles, notamment concernant la copropriété.