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mardi 23 mars 2021

LA Recherche, y-a-P(L)UCA ?

 

L’association LGOC, qui gère le présent blog, n’a jamais caché ses réserves face au PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture), une officine technocratique cogérée par le ministère de l’environnement et celui du logement. En fait, le problème se situe moins au niveau des personnes que des méthodes.

 

Abus de langage, y-a-P(L)UCA ?


En ces temps de pandémie, les colloques et les conférences se raréfient. Les webinaires n'en sont que plus importants. Dans ce cadre, le PUCA et l’association QualiSR ont pratiqué un intéressant échange de bons procédés.

L’association QualiSR a organisé, le 22 octobre 2020, un webinaire pour « endiguer la mondée de la fragilisation des copropriétés » et a invité le PUCA à s’y exprimer, tandis que le PUCA a organisé, le 06 novembre 2020, un webinaire pour « Comprendre les copropriétés pour mieux les rénover » et a invité l’un des dirigeants de QualiSR à s’y exprimer, même s’il a été un peu bousculé en raison du manque de temps.

Monsieur Jose de JUAN MATEO, directeur délégué de PROCIVIS et l’un des dirigeants de QualiSR (actuellement présidée par Olivier SAFAR, vice-président de l’UNIS) a été interrompu lorsqu’il a évoqué la différence entre « copropriétés dégradées » et « copropriétés fragiles », Madame Eva SIMON, coordinatrice des programmes au PUCA, ayant répliqué « Côté recherche, on n’est pas très à l’aise » avec cette distinction (voir le replay vers 1 h 48’ 30’’).

Eva SIMON préfère le concept de « copropriété populaire » vanté par la remarquable sociologue Marie-Pierre LEFEUVRE, membre de son jury de thèse, par la jeune doctorante Flavia LEONE et par divers intervenants non juristes.

PROCIVIS, un groupe qui a fait la preuve de sa compétence en matière de redressement des syndicats des copropriétaires, s’est donc fait corriger en public à mauvais escient par des spécialistes des sciences humaines qui ne connaissent pas forcément la terminologie juridique.

En effet, la copropriété est un régime, pas un groupe social ou même un immeuble bâti (comme le disait Pierre CAPOULADE, principal rédacteur de la loi du 10 juillet 1965, que cet abus de langage énervait souverainement, voir « La copropriété sous contrôle », Administrer, n° 478, juillet 2014, pp. 5 à 18).

Parler de « copropriété populaire » est donc un abus de langage grossier sans doute résultante d’une forme d’entre-soi.

 

Entre-soi, y-a-P(L)UCA ?


Il n’est pas surprenant qu’au plan terminologique, l’association QualiSR produise un discours mieux élaboré que celui du PUCA.

L’association QualiSR, fondée à l’initiative de l’ANAH et des pouvoirs publics, réunit autour d’elle la FNAIM, l’UNIS, PROCIVIS, l’UNARC, l’USH, la Fondation Abbé Pierre, la CLCV et des opérateurs comme SOLIHA. Le but est de faire émerger une certification pour les syndics devant redresser des syndicats de copropriétaires connaissant des difficultés.

Un référentiel a été établi en mars 2018 et a été validé par la COFRAC. Nous avons loué dans un livre publié cette démarche, en donnant la parole notamment à SGS, le groupe qui pratique les audits pour certifier les syndics (Syndics. La Prévention des différends, pp. 26 et 359). Le référentiel est d’autant plus intéressant qu’il a été construit de manière pluraliste, l’UNARC, la CLCV, la FNAIM et l’UNIS n’ayant pas les mêmes avis sur tout, et ce ça, ce n’est rien de le dire (pour paraphraser Mickey3D).

Le PUCA, quant à lui, a lancé seul dans son coin un appel à projet de recherche sur la « transition juridique en copropriété » pour réfléchir à l’encouragement des travaux d’économie d’énergie dans les immeubles (« Vers une transition juridique ? », Informations Rapides de la Copropriété n° 614, déc. 2015, pp. 6 à 8).

Eva SIMON, polytechnicienne, docteure en sciences politiques (Marie-Pierre LEFEUVRE ayant été rapportrice au sein de son jury de thèse, lien), est devenue responsable du projet relatif à la transition juridique, où l’équipe conduite par Marie-Pierre LEVEUVRE a été retenue…

Marie-Pierre LEFEUVRE est une excellente sociologue avec laquelle l’association LGOC a eu l’honneur de travailler. C’est la spécialiste incontestée de la sociologie des immeubles en copropriété difficiles (La Copropriété en difficulté : faillite d’une structure de confiance, Editions de l’Aube, 186 p., 1999).


 

Quant à la thèse d’Eva SIMON, elle était impressionnante.

Le fait de retenir ces deux chercheuses pour réfléchir sur les difficultés en copropriété était donc particulièrement opportun. C’est le mode de fonctionnement du PUCA qui est problématique. Il conduit à dévaloriser les travaux instructifs, en glissant vers la propagande sans que personne ne puisse tirer la sonnette d’alarme. En effet, à l’inverse de QualiSR, le PUCA ne comprend pas dans sa gouvernance des structures reconnues représentant une pluralité d’intérêts.

 

Propagande, y-a-P(L)UCA ?


La notion de « copropriété populaire » avancée par le PUCA repose sur l’étude d’un groupe social d’habitants, avec la volonté d’impliquer les locataires dans la gouvernance. Aussi louable que soit ce souhait, il induit une bien meilleure réflexion juridique.

Dans une société en crise où les tensions entre divers intérêts sont fortes, diminuer les prérogatives des propriétaires sans s’expliquer aura un effet sur le marché.

Marie-Pierre LEFEUVRE insistait à juste titre sur la crise de la copropriété comme faillite d’une structure de confiance.

Mélanger tous les concepts et s’enfermer dans une tour d’ivoire idéologique n’est pas la meilleure manière de reconquérir une crédibilité.

Le copinage avec certains intervenants subventionnés non juristes, comme Rabia ENCKELL, n’annonce, à ce sujet, rien de bon. Cette mouvance de l’habitat participatif qui s’autoproclame représentative pose aussi des difficultés, avec une propagande dissimulant des intérêts carriéristes.

On sait où le flou terminologique a conduit l’Eco-Quartier de Strasbourg qui a qualifié de « copropriété » un immeuble possédé entièrement par une SCI (Société Civile Immobilière) non dissoute (voir Guide pratique pour une gestion durable et participative des copropriétés, 2018, Yves Michel, pp. 44-45 et 123, bourré de préchi-précha bobo convivial sur fond d’erreurs juridiques constantes).

Les animateurs de groupes non formés en droit ne sont pas la solution pour les immeubles en copropriété connaissant déjà des difficultés. Une vraie réflexion sur les exemples étrangers, et notamment américains ou japonais, est nécessaire, car des solutions meilleures ont fait leurs preuves.

 

Gros gâchis, y-a-P(L)UCA ?


Face à la remarque qui précède, le PUCA pourrait mettre en avant la contribution de TERAO Hitoshi à l’équipe dirigée par Marie-Pierre LEFEUVRE (« Transition énergétique dans le droit de la copropriété au Japon », AJDI, février 2020, pp. 97 à 99).

L’article de TERAO Hitoshi est effectivement remarquable. Cet universitaire japonais titulaire d’un DESS de droit de l’urbanisme et de la construction en France était particulièrement bien placé pour comparer les deux nations. Néanmoins, TERAO Hitoshi n’a pas forcément souligné les implications de ce qu’il a écrit.

Au Japon, on compte environ 6 millions de logements situés dans des immeubles en copropriété sur 60 millions de logements (alors qu’en France, certains évoquent 10 millions de logements situés dans des immeubles en copropriété, pour environ 37 millions de logements).

Comme en France, le syndicat des copropriétaires nait de plein droit dès que deux lots sont possédés par des personnes distinctes. L’assemblée générale prend les diverses décisions. Un administrateur élu par l’assemblée remplit le rôle du syndic à la française. Un conseil syndical est également élu par l’assemblée.

Là où les choses deviennent passionnantes, c’est lorsque TERAO Hitoshi explique : « En pratique, l’assemblée générale des copropriétaires élit les membres du conseil syndical et le président est désigné parmi eux. C’est le président du conseil syndical qui est souvent considéré comme administrateur. Cette pratique est reflétée dans le règlement type établi par le ministère de la Construction ».

Cela signifie tout simplement que la gestion de forme coopérative en copropriété, qui est l’exception en France, est la règle au Japon ! Personne au PUCA n’a été jusqu’à le remarquer alors qu’ils avaient l’information sous leurs yeux !

 

Ingratitude, y-a-P(L)UCA ?


Savez-vous pourquoi la coopération en copropriété est un tabou au PUCA, alors qu’ils ont également étudié le MASCOBADO, qui est un syndicat coopératif de copropriétaires (lien) ? Tout simplement parce qu’évoquer la coopération en copropriété oblige à rendre hommage à Michel THIERCELIN, comme nous l’avons fait dans ce blog (lien).

Nous vivons dans une société d’hybris où les individus se prennent pour des dieux et refusent de s’inscrire dans le sillage de ceux auxquels ils doivent tout.

Eva SIMON pense ainsi pouvoir s’exprimer au nom de LA Recherche tout en oubliant les travaux des maîtres de conférences plus expérimentés qu’elle.

De la même manière, le LGOC est fier de se placer dans le sillage de l’USCVB qui est la structure la plus expérimentée en matière gestion coopérative en copropriété. Le PUCA aurait mieux fait d’étudier l’USCVB au lieu de servir une propagande trompeuse à coups de deniers publics…


Visitez le site de QualiSR !


mardi 16 mars 2021

Les copropriétaires dans le « Basket of Deplorables »

Du fait de certains errements, le mouvement de défense des copropriétaires est stigmatisé comme relevant de l’extrême droite. Même le présent blog, pour avoir pris la défense des copropriétaires, est accusé par certains de relever de la droite radicale. Le but est de nous discréditer de manière absolue. Ceux qui ont agi ainsi récoltent aujourd’hui la monnaie de leur pièce.

 

L’erreur stratégique d’Hillary CLINTON

 

Le 9 septembre 2016, à New York, lors d’un évènement LGBT en vue d’une levée de fond, Hillary CLINTON a tenu le discours qui restera probablement le plus célèbre de sa carrière.

 

Elle a expliqué : « You know, to just be grossly generalistic, you could put half of Trump's supporters into what I call the basket of deplorables. Right? They're racist, sexist, homophobic, xenophobic, Islamophobic – you name it. And unfortunately, there are people like that. » (« Vous savez, pour faire une généralisation grossière, vous pouvez mettre la moitié des soutiens de Trump dans ce que j’appelle le panier aux minables. N’est-ce pas ? Ils sont racistes, sexistes, homophobes, xénophobes – tout ce que vous voudrez. Et malheureusement, il y a des gens comme ça. ») (https://www.youtube.com/watch?v=PCHJVE9trSM)

 

Certains électeurs blancs, notamment dans le nord de la Pennsylvanie, se sont sentis injuriés de manière d’autant plus injuste qu’ils avaient voté pour Barack OBAMA en 2008 et 2012, ce qui n’était pas vraiment une marque de racisme.

 

De nombreux électeurs républicains ont donc revendiqué le qualificatif de « deplorables » pour souligner combien ils sont snobés par les élites des côtières des États-Unis et pour s’attirer la sympathie des cols bleus.




 

Hillary CLINTON a sur-mobilisé contre elle tout un électorat anti-élites, ce qui l’a probablement fait perdre.





Ella a aussi fait frôler la défaite à Joe BIDEN en 2020, où 74 millions d’électeurs ont voté pour le candidat républicain aux présidentielles. Jeter la moitié d’entre eux dans le « Basket of Deplorables » reviendrait à diviser durablement l’Amérique.

 

Déconnexion

 

Au lieu d’injurier les électeurs qui ont déjà voté pour son propre parti, mieux vaut aller à leur rencontre et les interroger sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés, afin de proposer des solutions.

 

C’est ce que fit la démocrate membre de la chambre des représentants Elisa SLOTKIN qui a gagné dans sa circonscription au moment même où cette dernière votait majoritairement pour le candidat républicain aux présidentielles (Michigan’s 8th Congressional District).

 

De manière parfois quasiment avouée, des électeurs républicains portant casquettes rouges ont voté pour Elisa SLOTKIN (notamment l’un d’eux qui se fit photographier en arborant un large sourire et en prenant par l’épaule l’un responsable de la campagne de celle-ci). Faut-il jeter Elisa SLOTKIN et ses électeurs dans le « Basket of Deplorables » ?

 

Le problème est identique en France, comme l’a rappelé Christophe GUILLUY dans son ouvrage No Society. La Fin de la classe moyenne occidentale (Flammarion, Champs, 2019, 242 p. et notamment p. 77 et suivantes, avec le chapitre « Qui veut être un déplorable ? »).

 




Ce que note avec raison Christophe GUILLUY dans ce livre est la déstabilisation des élites qui souhaitaient ostraciser la France dite périphérique pour mieux la dominer. Aujourd'hui, ces élites sont prises à leur propre piège, en étant mise de côté par la majorité de la population.

 

Et effectivement, qui prend l’épée périra par l’épée (Matthieu XXVI, 52).

 

Ceux qui jettent les autres dans le « Basket of the Deplorables » peuvent finir par y être envoyés aussi, non sans pleurnicher alors. Regardons ce qui est arrivé aux islamo-gauchistes qui dénigraient le LGOC hier et qui sont vilipendés par la ministre de l’Enseignement supérieur aujourd’hui.

 

D’extrême droite ?

 

Un jour, une architecte bobo qui connaît très bien le Japon nous a dit, après avoir lu les premiers écrits de l’association LGOC : « mais vous, vous êtes d’extrême droite » avant de nous envoyer paître, ce qui est son droit. Elle aurait néanmoins pu éviter d’être de mauvaise foi dans ses appréciations politiques...

 

En effet, le LGOC critique les bobos ainsi que l’individualisme forcené, et notamment le fait de vouloir agir sur la société sans s’inscrire dans une organisation collective. Est-ce pour autant « d’extrême droite » ?

 

Il est vrai que des auteurs comme Marie-Pauline DESWARTE, intervenante à Valeurs Actuelles et à Radio Courtoisie, soutien de la Manif pour Tous et du royalisme, combattent aussi l’individualisme (L’idée républicaine selon Marie Pauline DESWARTE).

 

On peut effectivement enfermer les personnes dans des cadres hérités du passé, voire dans des identités liées à leurs origines.

 

On peut aussi construire des dynamiques collectives structurées où chacun doit respecter les anciens acteurs pour gagner le respect à son tour, sans distinction de genre, de couleur de peau, de religion, d’état de santé, d’âge ou d’orientation sexuelle.

 

Le LGOC prône clairement la deuxième option. Est-ce une raison pour être jetés dans le « Basket of Deplorables » ?

 

De la même manière, Marie-Pauline DESWARTE parle beaucoup de gènes et d’identité héritée, à tort, selon le LGOC. Toutefois, est-ce un motif pour la stigmatiser elle aussi ? Elle s’exprime publiquement et à visage découvert. Ceux qui veulent contester ses idées, ou apporter de fortes nuances, comme nous le faisons, peuvent le faire.

 

Diaboliser ses contradicteurs, à l’inverse, ne conduit nulle part, si ce n’est à un raidissement des oppositions.

 

Retour de bâton

 

Le mouvement de défense des copropriétaires a été affecté par ce mépris d’une certaine Bohème, même si cette dernière est évidemment légitime à intervenir dans le débat.

 

Le fait de se sentir méprisé par l’establishment suscite cependant de l’aigreur chez certains individus, notamment les bénéficiaires de la haute croissance devenus copropriétaires, qui vieillissent actuellement et dont le bilan est violemment remis en cause, notamment au plan environnemental et organisationnel, en ces temps de pandémie.

 

On se souvient de l’attitude de l’UNARC qui, face aux attaques contre les syndics non professionnels, avait lancé :  « De votre côté, n’hésitez pas à faire savoir à votre député que vous lui couperez les oreilles si d’aventure un jour ce projet venait à être débattu au Parlement et qu’il vote ‘‘pour’’. Les oreilles !!! » (« Les syndics bénévoles attaqués : l’ARC réagit », Bulletin de l’ARC, avril 2009, n° 84, p. 26) (Quel statut pour le syndic ‘‘bénévole’’ rétribué ?)

 

Les détracteurs du LGOC vont s’en donner à cœur joie… Sur le combat pour les syndics non professionnels, UNARC et LGOC ont parfois été côte à côte. Est-ce à dire que le LGOC soit populiste et appelle à couper les « oreilles » des députés hostiles ?

 

Le LGOC appelle à ne jamais menacer, même sur le ton de la plaisanterie, les élus et regrette vivement la formulation employée par l’Association des Responsables de Copropriété dans la citation visée plus haut.

 

Néanmoins, aujourd’hui, nous pouvons regarder avec ironie les mésaventures de Marwan MOHAMMED et Julien TALPIN suite au livre qu’ils ont dirigé et qui s’intitule Communautarisme ? (PUF, 2018, Idées, 109 p.).

 

Dans ce livre, l’article de Houda ASAL et Julien TALPIN (« L’égalité, au cœur des luttes contre l’islamophobie », pp. 85 à 98) faisait l’éloge du CCIF, une organisation aujourd’hui dissoute par le gouvernement (discours du 2 décembre 2020 du porte-parole du gouvernement) pour « propagande odieuse » (les accusations graves et précises du gouvernement devant être vérifiées par la Justice).

 

Julien TALPIN et tous ses alliés se retrouvent donc dans le « Basket of Deplorables » à leur tour… Voilà pourquoi il ne faut jamais y jeter les autres.

 

jeudi 3 septembre 2015

Les Castors de Christine BRISSET contre l’ « entre-soi »

On a vu plus haut que la coopération en copropriété est l’héritière du mouvement des Castors et des BATICOOP.

Pourtant, les organisations se réclamant de la coopération en copropriété n’ont pas souhaité transmettre cette mémoire (http://bit.ly/1LBOOAP et http://bit.ly/1O4gChw) car elles sont trop occupées par la quête de rétributions en faveur des individus qui les composent. L’idée d’une mission collective à défendre et poursuivre, d’un combat dont on est que l’un des rouages, leur a échappée.

Ce repli sur l’individualité et ce refus de transmettre expliquent que la gestion de forme coopérative en copropriété n’ait pas mobilisé grand monde.

En effet, le mouvement des Castors, ainsi que les BATICOOP qui lui ont succédé, reposaient à la fois sur un idéal de transmission et sur le rejet de l’individualisme.

Du coup, des individualistes indifférents à la transmission ne pouvaient que difficilement convaincre les anciens Castors de rester fidèles à une logique de l’action collective.

Stéphanie LAPORTE-LECONTE (« l’ ‘‘entre soi’’ et le mouvement coopératif en copropriété », AJDI, avril 2015, pp. 257 à 262) a prétendu que « le mouvement coopératif en lien avec la copropriété s’inscrit assez naturellement dans une réflexion sur l’ ‘‘entre-soi’’ » car « la volonté de se choisir, de former un groupe socialement, voire culturellement homogène, autour d’affinités électives, guide généralement les coopérateurs dans leur projet, quitte parfois à exclure les autres » (p. 262).

En relevant qu’historiquement, « le mouvement coopératif n’a pas épargné l’habitat collectif », Stéphanie LAPORTE-LECONTE montre ses sentiments, mais cite aussi explicitement les Castors comme l’un des exemples de la dynamique coopérative (p. 257).

Comment a-t-on pu en arriver à un tel oubli de ce que les Castors ont été, à savoir une fabuleuse expérience de mobilité sociale ayant permis l’accès de travailleurs humbles à un habitat décent auparavant réservé à la bourgeoisie ?

L’ouvrage de Bernard LEGE et Monique TANTER (Autoconstruction et mobilité sociale. L’aventure des Castors angevins 1950-1984, Association Peuple et Culture de la Région Parisienne, 1984, 171 p., www.culturecommunication.gouv.fr/content/.../Ethno_Lege_1984_160.pdf ) montre à quel point la vision sévère de Madame LAPORTE-LECONTE est inexacte au plan historique, même si elle peut contenir une intuition pertinente concernant la situation actuelle, liée à l’oubli de la tradition qui a permis de fonder les Castors.

Christine BRISSET (1898-1993), celle qui a lancé à partir de 1947 des squats d’Angers pour reloger des familles, puis a animé le mouvement des Castors sur Angers, était tout sauf une partisane de l’ ‘‘entre-soi’’.




Elle aurait préféré fonder un comité du logement pour tous et non une commission familiale ouvrière du logement ouvrier (p. 20), même si, finalement, ses alliés syndicalistes, chrétiens ou non, lui ont imposé la seconde dénomination pour organiser leur action commune.

Christine BRISSET était une militante catholique dont les actions de squats visaient en priorité de luxueuses maisons de tolérance, à la grande colère de certains bourgeois qui les fréquentaient et des juridictions qui protégeaient consciencieusement cette activité (p. 22).

Or, tant au sein des Castors d’Angers que pour les squats angevins, la majeure partie des alliés de Christine BRISSET était composée de militants de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) (p. 26).

Les Castors furent une création liée à l’urgence et aux nécessités suite aux destructions dues à la seconde guerre mondiale et à la crise du logement gravissime qui a suivi dans un contexte de forte natalité (p. 27). Toutefois, ils ont permis l’intégration dans l’habitat pavillonnaires des mal-logés grâce à la diminution forte des coûts. L’achat coopératif des matériaux et à l’apport travail ont fait baisser d’en moyenne un tiers les prix des logements construits, alors même que des conditions de crédit favorables permettaient de rendre la solution accessible aux travailleurs les plus humbles.

L’organisation BATICOOP, créée en 1955, fera moins de place à l’apport travail et, tout en conservant la forme coopérative, s’adressera plus à une clientèle des classes moyennes (p. 35).

Loin de s’adresser à une élite bourgeoise, les fondateurs des Castors d’Angers et leurs alliés faisaient directement et explicitement référence à l’idéologie de Marc SANGNIER. En effet, ils invitaient le Castor à se sauver lui-même, lui et sa famille, sans attendre l’intervention du Ciel et des pouvoirs publics (p. 37). Bien entendu, il s’agissait aussi de permettre au Castor de pouvoir s’aider lui-même (en lui fournissant des terrains à prix raisonnables et une organisation efficace pour le soutenir dans sa démarche). Néanmoins, cet appel s’adressait à tous, y compris, voire même surtout, aux plus marginalisés. Cela ne relevait certainement pas de l’ ‘‘entre-soi’’.

Ainsi, Christine BRISSET refusera d’exclure des Castors les délinquants, ce qui amena ses ennemis bourgeois, furieux après les squats, à parler de « la pègre de Christine » (p. 39).

On rappelle que Christine BRISSET était l’épouse du président de la chambre de commerce, ce qui prouve qu’en matière de lutte féroce, on n’est jamais mieux servi que par son propre milieu…

Néanmoins, aux yeux des Castors angevin, la coopération n’a été qu’un moyen temporaire pour suppléer les carences de l’action publique (p. 44).

C’est évidemment là que se situait le problème. Une fois les logements construits, chacun devenait propriétaire individuel, tenté par l’individualisme du chacun chez soi, voire du chacun pour soi.

Bien entendu, au moment de la construction, la solidarité entre des personnes issues de professions variées était réelle (même si les classes moyennes étaient exclues du projet quand elles disposaient déjà d’un logement décent) (p. 48).

La marque des Castors fut donc la diffusion de la propriété sans frontières sociales (p. 50), ce qui constitua une réussite remarquable.

La spéculation individualiste était même exclue au départ puisque les transactions ne devaient pas donner lieu à des plus-values tant que le Castor n’avait pas remboursé ses emprunts liés aux frais d’acquisition du terrain, des matériaux et des travaux de constructions qu’il n’avait pas accompli lui-même.

Les Castors finirent toutefois par écarter Christine BRISSET de la direction en 1962 pour justement éliminer cette contrainte-là (p. 51). Les prétextes de mauvaise gestion évoqués n’empêchaient pas les Castors angevins de maintenir la lutte contre la spéculation après avoir évincé Christine BRISSET, mais ils ont préféré profiter de l’occasion pour se libérer d’une règle saine.

Ce qui s’est passé en 1965 en copropriété se situe dans l’exacte continuité de ce qui s’est passé à Angers en 1962. Les militants initiateurs de la gestion de forme coopérative en copropriété ont rompu avec toute la tradition antérieure qui leur avait pourtant permis d’exister, et ont ainsi dérivé vers un individualisme plus marqué bien moins propice à l’action collective.

Christine BRISSET est donc passée à la trappe et son refus de l’individualisme aussi. Gérer collectivement dans cette perspective devenait très compliqué.

En copropriété, ce mouvement a eu sa transcription dans l’imperfection des mécanismes suggérés au législateur de 1965. La gestion de forme coopérative ne fut que la monopolisation du pouvoir par le conseil syndical, ce qui faisait d’ailleurs disparaître tout contre-pouvoir, comme le remarque, avec sa sévérité habituelle (toutefois justifiée sur ce point), Stéphanie LAPORTE-LECONTE (pp. 258-259).

Les adversaires de la coopération en copropriété, comme Stéphanie LAPORTE-LECONTE, ont beau jeu d’ironiser sur cette prétendue coopération inachevée, et finalement, ils n’ont pas tort.

Quand on perd la mémoire et que l’on ne respecte pas le combat des grands militants auxquels on succède, voilà ce qui arrive !

L’impératif de transmission n’est pas un luxe.

Celui qui méprise ses prédécesseurs ne sera pas respecté à son tour quand viendra pour lui le temps de transmettre.

Celui qui méprise le passé par arrogance et par individualisme finit par ignorer les contraintes de l’action collective que ses prédécesseurs avaient pu surmonter.

Oublier les sources qui inspirent le mouvement que l’on veut porter, c’est se condamner à perdre un trésor d’expériences.


La lecture de Marc SANGNIER (1873-1950) aurait pu l’apprendre aux héritiers des Castors…