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mardi 16 mars 2021

Les copropriétaires dans le « Basket of Deplorables »

Du fait de certains errements, le mouvement de défense des copropriétaires est stigmatisé comme relevant de l’extrême droite. Même le présent blog, pour avoir pris la défense des copropriétaires, est accusé par certains de relever de la droite radicale. Le but est de nous discréditer de manière absolue. Ceux qui ont agi ainsi récoltent aujourd’hui la monnaie de leur pièce.

 

L’erreur stratégique d’Hillary CLINTON

 

Le 9 septembre 2016, à New York, lors d’un évènement LGBT en vue d’une levée de fond, Hillary CLINTON a tenu le discours qui restera probablement le plus célèbre de sa carrière.

 

Elle a expliqué : « You know, to just be grossly generalistic, you could put half of Trump's supporters into what I call the basket of deplorables. Right? They're racist, sexist, homophobic, xenophobic, Islamophobic – you name it. And unfortunately, there are people like that. » (« Vous savez, pour faire une généralisation grossière, vous pouvez mettre la moitié des soutiens de Trump dans ce que j’appelle le panier aux minables. N’est-ce pas ? Ils sont racistes, sexistes, homophobes, xénophobes – tout ce que vous voudrez. Et malheureusement, il y a des gens comme ça. ») (https://www.youtube.com/watch?v=PCHJVE9trSM)

 

Certains électeurs blancs, notamment dans le nord de la Pennsylvanie, se sont sentis injuriés de manière d’autant plus injuste qu’ils avaient voté pour Barack OBAMA en 2008 et 2012, ce qui n’était pas vraiment une marque de racisme.

 

De nombreux électeurs républicains ont donc revendiqué le qualificatif de « deplorables » pour souligner combien ils sont snobés par les élites des côtières des États-Unis et pour s’attirer la sympathie des cols bleus.




 

Hillary CLINTON a sur-mobilisé contre elle tout un électorat anti-élites, ce qui l’a probablement fait perdre.





Ella a aussi fait frôler la défaite à Joe BIDEN en 2020, où 74 millions d’électeurs ont voté pour le candidat républicain aux présidentielles. Jeter la moitié d’entre eux dans le « Basket of Deplorables » reviendrait à diviser durablement l’Amérique.

 

Déconnexion

 

Au lieu d’injurier les électeurs qui ont déjà voté pour son propre parti, mieux vaut aller à leur rencontre et les interroger sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés, afin de proposer des solutions.

 

C’est ce que fit la démocrate membre de la chambre des représentants Elisa SLOTKIN qui a gagné dans sa circonscription au moment même où cette dernière votait majoritairement pour le candidat républicain aux présidentielles (Michigan’s 8th Congressional District).

 

De manière parfois quasiment avouée, des électeurs républicains portant casquettes rouges ont voté pour Elisa SLOTKIN (notamment l’un d’eux qui se fit photographier en arborant un large sourire et en prenant par l’épaule l’un responsable de la campagne de celle-ci). Faut-il jeter Elisa SLOTKIN et ses électeurs dans le « Basket of Deplorables » ?

 

Le problème est identique en France, comme l’a rappelé Christophe GUILLUY dans son ouvrage No Society. La Fin de la classe moyenne occidentale (Flammarion, Champs, 2019, 242 p. et notamment p. 77 et suivantes, avec le chapitre « Qui veut être un déplorable ? »).

 




Ce que note avec raison Christophe GUILLUY dans ce livre est la déstabilisation des élites qui souhaitaient ostraciser la France dite périphérique pour mieux la dominer. Aujourd'hui, ces élites sont prises à leur propre piège, en étant mise de côté par la majorité de la population.

 

Et effectivement, qui prend l’épée périra par l’épée (Matthieu XXVI, 52).

 

Ceux qui jettent les autres dans le « Basket of the Deplorables » peuvent finir par y être envoyés aussi, non sans pleurnicher alors. Regardons ce qui est arrivé aux islamo-gauchistes qui dénigraient le LGOC hier et qui sont vilipendés par la ministre de l’Enseignement supérieur aujourd’hui.

 

D’extrême droite ?

 

Un jour, une architecte bobo qui connaît très bien le Japon nous a dit, après avoir lu les premiers écrits de l’association LGOC : « mais vous, vous êtes d’extrême droite » avant de nous envoyer paître, ce qui est son droit. Elle aurait néanmoins pu éviter d’être de mauvaise foi dans ses appréciations politiques...

 

En effet, le LGOC critique les bobos ainsi que l’individualisme forcené, et notamment le fait de vouloir agir sur la société sans s’inscrire dans une organisation collective. Est-ce pour autant « d’extrême droite » ?

 

Il est vrai que des auteurs comme Marie-Pauline DESWARTE, intervenante à Valeurs Actuelles et à Radio Courtoisie, soutien de la Manif pour Tous et du royalisme, combattent aussi l’individualisme (L’idée républicaine selon Marie Pauline DESWARTE).

 

On peut effectivement enfermer les personnes dans des cadres hérités du passé, voire dans des identités liées à leurs origines.

 

On peut aussi construire des dynamiques collectives structurées où chacun doit respecter les anciens acteurs pour gagner le respect à son tour, sans distinction de genre, de couleur de peau, de religion, d’état de santé, d’âge ou d’orientation sexuelle.

 

Le LGOC prône clairement la deuxième option. Est-ce une raison pour être jetés dans le « Basket of Deplorables » ?

 

De la même manière, Marie-Pauline DESWARTE parle beaucoup de gènes et d’identité héritée, à tort, selon le LGOC. Toutefois, est-ce un motif pour la stigmatiser elle aussi ? Elle s’exprime publiquement et à visage découvert. Ceux qui veulent contester ses idées, ou apporter de fortes nuances, comme nous le faisons, peuvent le faire.

 

Diaboliser ses contradicteurs, à l’inverse, ne conduit nulle part, si ce n’est à un raidissement des oppositions.

 

Retour de bâton

 

Le mouvement de défense des copropriétaires a été affecté par ce mépris d’une certaine Bohème, même si cette dernière est évidemment légitime à intervenir dans le débat.

 

Le fait de se sentir méprisé par l’establishment suscite cependant de l’aigreur chez certains individus, notamment les bénéficiaires de la haute croissance devenus copropriétaires, qui vieillissent actuellement et dont le bilan est violemment remis en cause, notamment au plan environnemental et organisationnel, en ces temps de pandémie.

 

On se souvient de l’attitude de l’UNARC qui, face aux attaques contre les syndics non professionnels, avait lancé :  « De votre côté, n’hésitez pas à faire savoir à votre député que vous lui couperez les oreilles si d’aventure un jour ce projet venait à être débattu au Parlement et qu’il vote ‘‘pour’’. Les oreilles !!! » (« Les syndics bénévoles attaqués : l’ARC réagit », Bulletin de l’ARC, avril 2009, n° 84, p. 26) (Quel statut pour le syndic ‘‘bénévole’’ rétribué ?)

 

Les détracteurs du LGOC vont s’en donner à cœur joie… Sur le combat pour les syndics non professionnels, UNARC et LGOC ont parfois été côte à côte. Est-ce à dire que le LGOC soit populiste et appelle à couper les « oreilles » des députés hostiles ?

 

Le LGOC appelle à ne jamais menacer, même sur le ton de la plaisanterie, les élus et regrette vivement la formulation employée par l’Association des Responsables de Copropriété dans la citation visée plus haut.

 

Néanmoins, aujourd’hui, nous pouvons regarder avec ironie les mésaventures de Marwan MOHAMMED et Julien TALPIN suite au livre qu’ils ont dirigé et qui s’intitule Communautarisme ? (PUF, 2018, Idées, 109 p.).

 

Dans ce livre, l’article de Houda ASAL et Julien TALPIN (« L’égalité, au cœur des luttes contre l’islamophobie », pp. 85 à 98) faisait l’éloge du CCIF, une organisation aujourd’hui dissoute par le gouvernement (discours du 2 décembre 2020 du porte-parole du gouvernement) pour « propagande odieuse » (les accusations graves et précises du gouvernement devant être vérifiées par la Justice).

 

Julien TALPIN et tous ses alliés se retrouvent donc dans le « Basket of Deplorables » à leur tour… Voilà pourquoi il ne faut jamais y jeter les autres.

 

jeudi 10 août 2017

La Bohème, un tract ambulatoire pour l’extrême droite ?

Dans la RFCP n° 11 qui vient d’être mise en ligne aujourd’hui, les analyses de Christophe GUILLUY sont longuement analysées et discutées.
  


La faute aux bobos !

Depuis 2001, cet auteur a eu le mérite de révéler l’importance du phénomène bobo en France et cela sans fausse pudeur, lâcheté ou hypocrisie.

Le bobo (bourgeois bohème) existe, n’en déplaise aux biens pensants qui en font partie et qui tentent de lancer un nuage d’encre pour le cacher, un peu comme les pieuvres qui s’enfuient lorsqu’elles ont peur.

Christophe GUILLUY montre comment la bobocratie instrumentalise les étrangers précarisés et les pauvres tout en les exploitant. Les banlieues et les SDF servent d’écrans de fumée pour dissimuler les difficultés des classes populaires classiques devenues invisibles.

Ainsi s’est créée une France périphérique d’aidants qui font économiser 164 milliards d’euros à l’Etat chaque année, alors que la manne publique est concentrée sur les bobos de la France métropolitaine.

L’antifascisme est devenu une arme de classe pour faire taire tous ceux qui constatent ces violences sociales auxquelles se livrent les bobos abrités derrière leurs euphémismes et leur faux antiracisme moralisant.

Les libéraux libertaires bohèmes sont en fait les serviteurs zélés d’un capitalisme mondialisé, ce qui les détache des préoccupations des classes populaires. Les mobilisations hashtag pour se donner bonne conscience n’intéressent que cette élite cultureuse toujours plus repliée sur ses ghettos hédonistes et ignorante des réalités.

Selon Christophe GUILLUY, le vote FN est le symptôme de la révolte de la France périphérique contre cette Bohème odieuse.

Pour ceux qui accuseront Christophe GUILLUY d’être raciste, celui-ci souligne constamment que l’Outre-mer, où les Blancs ne sont pas majoritaires, est l’archétype de la France périphérique.

On notera, d’ailleurs, la montée du FN en Outre-mer, et notamment en Guyane.

Un bon diagnostic, mais un remède problématique

Les analyses décrites ci-dessus relèvent désormais de l’évidence. Les élections de 2017 ont montré la perte de vitesse des bobos et de leurs candidats politiques naturels (PS et EELV), tous à leurs rêveries sur le revenu universel, tandis que de nombreux Français doivent fuir les immeubles en copropriété nauséabonds et les banlieues ethnicisées pour vivre dans des zones pavillonnaires toujours plus éloignées.

Comme remède à ces évolutions, Christophe GUILLUY propose le retour de l’identité, sans préciser s’il prône plutôt la nostalgie ouvriériste façon France insoumise ou le retour du village gaulois façon FN.

Afin d’étayer son propos, Christophe GUILLUY cite Robert PUTNAM, tout en notant que ce dernier est de gauche.

C’est là que des réserves peuvent être émises.

PUTNAM, qui a été décoré par Bill CLINTON, est effectivement proche des démocrates américains, même si ces derniers seraient sans doute des centristes sur l’échiquier politique français, en sachant qu’ils ont soutenu ouvertement l’actuel président de la République.

Toutefois, le problème de Christophe GUILLUY dans son interprétation de PUTNAM ne tient pas à la question du positionnement politique mais plutôt à la précision dans la description du raisonnement.

Pour PUTNAM, dans ses écrits Bowling Alone (1995) (https://archive.realtor.org/sites/default/files/BowlingAlone.pdf) ou E Pluribus Unum (2007), il existe trois modèles pour décrire les réactions des populations face à la diversité.

Tout d’abord, les personnes diverses vivant ensemble pourraient ainsi devenir plus tolérantes et bienveillantes. C’est la théorie du contact.

On pourrait aussi penser que ceux qui voient arriver vers eux des gens différents auraient tendance à se souder pour résister aux intrus. C’est la théorie du conflit.

Enfin, on peut penser que des personnes différentes qui se côtoient ont des tensions entre elles qui les dégoûtent de la vie collective. C’est la théorie de la constriction.

Dans ses enquêtes, PUTNAM constate que c’est cette dernière théorie qui fonctionne aujourd’hui aux Etats-Unis.

Christophe GUILLUY en déduit pour la France qu’il faut moins d’immigration. Surtout, il prévoit que les classes populaires vont se regrouper sur une base identitaire pour résister à l’élite mondialisée.

Christophe GUILLUY, en se ralliant à la théorie du conflit, semble avoir lu PUTNAM trop rapidement. Pour l’auteur américain, la France périphérique telle que la décrit Christophe GUILLUY serait non un cadre de mobilisation contre l’élite mais un lieu de démobilisation.

La diversité des métropoles crée des tensions qui chassent les classes populaires des centres urbains après les avoir dégoutées de l’action collective.

Dans ce cadre, comment relancer une dynamique civique sans attendre une remobilisation identitaire peu crédible et sans croire non plus aux âneries bohèmes sur le participatif ?

La discipline contre l’identité

Christophe GUILLUY aime le peuple, ce qui est tout à son honneur.

Par contre, la logique de l’action collective n’est pas sa préoccupation principale. Même s’il parle de la défiance liée à la diversité et qu’il évoque sommairement PUTNAM, il ne cite pas les nombreux travaux intervenus dans ce que l’on appelle les sciences citoyennes, bien que ces études puissent aussi être critiquées, évidemment.

Pour que les citoyens se mobilisent, encore faut-il organiser la société dans ce sens.

L’invocation de l’identité n’est pas suffisante, dans ce cadre. Le repli sur des quartiers pavillonnaires homogènes non plus. Le voisinage cordial limité dans le cadre d’un repli de chacun derrière ses haies de thuyas ne permet pas une résistance efficace face aux élites.

Christophe GUILLUY, qui a longtemps été au service d’élus locaux, n’est pas gêné par le consumérisme et la dépendance qu’il induit à l’égard des notables. Bien qu’il critique la lubie de la démocratie participative qui n’est qu’un gadget utilisé par des bobos et des technocrates afin de manipuler les classes populaires, il s’accommode d’une forme de décervelage de la France périphérique dans le rêve simpliste d’une homogénéité identitaire.

Pendant ce temps, personne ne conquiert une réelle autonomie par rapport aux experts établis.

Christophe GUILLUY a donc raison de stigmatiser la tentative de domination culturelle des bobos sur le peuple. Par contre, il devrait moins négliger la division du peuple entre, d’une part, des consuméristes endormis par le rêve identitaire qui acceptent la domination des élites et, d’autre part, des affranchis qui construisent une capacité d’indépendance face aux bureaucrates, aux notables et aux Bohèmes, y compris en acceptant la contestation de chacun de ces groupes. En effet, celui qui est vraiment libre ne redoute pas la contradiction. Sinon, il prend le risque de rester piégé par des illusions.

Les bobos ont sans doute eu des torts et méritent la défiance voire la réprobation de tous. Cette stigmatisation peut néanmoins être positive. En ostracisant les Bohèmes, on les amène à rester vigilants et critiques face à ceux qui ont secoué le joug culturel qu’ils ont voulu imposer. Et la critique vigilante n’a jamais fait de mal à personne. Quand elle est déplacée, il suffit de le démontrer, et on se renforce d’autant.

La cité antique d'Athènes ostracisait des citoyens qui, parfois du seul fait de leur passé, présentaient une menace pour le corps civique. Ce n'était pas une sanction pénale mais plutôt l'accomplissement d'un devoir civique. Les ostracisés devaient quitter le sol de la Cité mais ne perdaient ni leurs biens, ni leur citoyenneté. Ils pouvaient même être rappelés. La noblesse, pour les bobos, devrait être de savoir accepter leur ostracisme pour le bien de tous. 

Si les bobos peuvent donc être à première vue les meilleurs alliés de l’extrémisme de droite quand le peuple se comporte en consumériste, ce n’est plus le cas lorsque les citoyens décident sérieusement de s’affranchir tout en le prouvant, aux autres comme à eux-mêmes. Le bobo, tout illégitime et ostracisé qu’il soit, devient alors un aiguillon dont le regard critique et malveillant aide à faire ses preuves.

jeudi 8 décembre 2016

Les deux corps du droit



L’échec moral des « classes moyennes »

Une certaine France a pris des habitudes durant les 30 glorieuses.

Elle veut aujourd’hui consommer dans les mêmes conditions que par le passé et par n’importe quels moyens, y compris dans le domaine immobilier.

Comme il lui est plus difficile d’y parvenir, elle demande des solutions originales, telles que l’habitat participatif. Ces mécanismes nouveaux et complexes réclament plus de travail encore.

Selon les consommateurs, les notaires, et surtout les diplômés notaires, devraient donc s’échiner à œuvrer pour concrétiser ces possibilités, sans espoir d’être payés décemment, bien entendu...

On sait l’argument déplorable de ces consuméristes irresponsables quand on leur fait remarquer leur dérive esclavagiste. Ces clients avides veulent exploiter des collaborateurs d’avocats ou de notaires et prétextent du fait que ceux-ci seront bien payés ultérieurement. Qu’en savent-ils dans une société d’uberisation ?

Tolèreraient-ils que leurs propres enfants soient traités ainsi ?

La « classe moyenne » n’est donc pas un groupe social mais une idéologie déplorable qui fracture la société, y compris en séparant des personnes aux revenus similaires.

D’un côté, on a les « casses moyennes » qui exigent un standard de vie, quitte à exploiter des travailleurs, de l’autre, on a des citoyens avisés, conscients du travail collectif nécessaire pour obtenir une prestation de qualité.

Consommation contre coopération

Marie-Hélène BACQUÉ et Stéphanie VERMEERSCH, dans Changer la vie ? Les classes moyennes et l’héritage de mai 68, Les Editions de l’Atelier / Editions Ouvrières, 176 p., 2007, ont bien décrit cette dérive.




Certains tenants de l’habitat groupé et autogéré restent des militants admirables. Néanmoins, ils ont aussi été rejoints par des individus souhaitant uniquement obtenir la propriété d’un logement au meilleur coût pour eux-mêmes. Ces individus ne se dévouent pas bien longtemps et n’hésitent pas à exploiter des prestataires si nécessaire, abandonnant les militants d’un habitat plus écologique et citoyen.

Comme le disent Mesdames BACQUÉ et VERMEERSCH : « L’étude de plusieurs opérations d’habitat autogéré en accession montre cependant que ces règles tendent à disparaître au fil des années, l’autogestion laissant place à la délégation de services au syndic et à des prestataires privés » (p. 124).

Tout est dit !

On est loin du projet coopératif. Celui-ci, dans le sillage de la loi du 10 septembre 1947, consiste à construire un groupe produisant lui-même ce dont il a besoin…

Obéir ou garantir

Deux conceptions du droit sont donc possibles.

On peut penser le droit comme un outil pour capter un avantage individuel sans se soucier du reste de la société.

Dans cette acception, il devient un produit de consommation. L’uberisation, voire l’exploitation des salariés précaires, ne pose alors aucun problème. Pour ceux qui réfléchissent ainsi, le droit est une violence sociale comme une autre. Le tout est de rester du bon côté du manche. Tout est question d’obéissance et le consommateur espère être parmi ceux qui seront obéis.

Autrement, on peut concevoir le droit comme une façon d’organiser la société pour construire collectivement des garanties pour tous.

Dans ce cas, l’exploitation des autres est radicalement exclue, car il y a toujours un collectif derrière ceux que l’on exploite, et déclarer la guerre à un collectif ne permet pas de construire des garanties.

Le prix à payer

Les diplômés notaires ont des parents, des enfants, des enseignants ou des proches. C’est grâce à tous ces gens qu’ils ont pu acquérir un savoir. Vouloir les exploiter, c’est injurier tous ces gens qui les ont aidés et minimiser leur apport. Dans ce cas, il ne faut pas s’étonner de récolter leur hostilité.

Les consommateurs, qui se sont si mal comportés en pensant exploiter les diplômés notaires sans se soucier des garanties à construire, découvriront donc rapidement qu’ils devront apprendre à obéir à des gens pas toujours faciles à vivre.

Le monopole des notaires installés, renforcé par les moyens décrits plus haut, n’annonce rien de bon pour ceux qui voudront échapper à l’obligation de payer très cher pour accéder à la connaissance juridique.

Un notaire qui utilise les méthodes ci-dessus exposées n’a pas vraiment l’esprit à aider les consommateurs ou à œuvrer pour leur pouvoir d’agir (appelé aussi empowerment). On appelle ainsi le processus sociologique donnant aux citoyens plus d’influence sur les décisions qui concernent leur propre vie.

A force d’uberiser, on favorise les monopoles sur la qualité. L’accès au droit utile sera uniquement réservé aux très riches et aux structures coopératives qui auront su faire réfléchir en leur sein des personnes compétentes sans les exploiter.

Les deux corps du droit

Une fois encore, il ne convient pas d’être naïf.

Le monde n’est pas séparé entre une sphère autoritaire liée à la jungle uberisée et une sphère coopérative où tout serait idyllique.

Les deux façons de faire du droit ont un lien, un peu comme le yin et le yang, différents, voire opposés, mais interconnectés.

Quand on ne veut pas coopérer, on doit obéir, mais la meilleure façon d’être obéi, c’est d’apprendre à coopérer…

Le droit idéal, qui est celui qui organise une société meilleure, n’est donc pas séparé du droit concret, qui consiste à obéir aux autorités existantes, même quand elles ont lourdement failli (et le monde des notaires, avec le détournement de la loi MACRON, en donne un bel exemple).

Tout notre travail doit être de renforcer les structures qui portent le droit idéal pour influer sur le droit concret.

C’est un peu la même situation que dans l’ouvrage d’Ernst KANTOROWICZ intitulé Les deux corps du roi. (éd. originale 1957, Œuvres, Gallimard, Paris, 2000, 1369 p).

Les souverains médiévaux avaient un corps physique, qui pouvait être trop jeune, trop vieux, malade ou prisonnier. Parallèlement, ils avaient aussi un corps politique symbolisant la Couronne, et qui ne pouvait pas mourir.

Les affres du corps physique avaient néanmoins des conséquences sur le corps politique.